L'appel de la forêt [chapitre II], Vers le levant se trouve les ténèbres.

*Qu'est ce qu'ils ont tous à vouloir s'arrêter ?*

Le barbare druide pensait passer son chemin sans même prêter plus d'attention. Mais la grosse majorité du groupe l'avait devancer et les deux elfes s’étaient déjà aventurer à la suite des hommes.

- Ppfff ! Souffla t-il de dépit lorsque Nirannor lui-même leur emboîta le pas.

- Fourrure. Le loup s'approcha de son maître aussitôt. "Attends moi ici, reste avec Anikeï."

Dag'Epi entra enfin avec le reste de l'équipe les bras croiser comme si le petit homme boudait à faire cette halte. En tout cas le barbare druide n'avait pas fait attention plus que ça a ses hôte et rentrer sans méfiance aucune.

- J'espère au moins que le breuvage sera être à la hauteur.


Dag'Epi donne un ordre à Fourrure : “ Attends ! ” (DD 15). L’animal reste en place et attend le retour de son maître. Il n’agresse pas les créatures qui s’approchent de lui, mais se défend au cas où.

Avançant dans le village, enfin, le hameau tout au plus, car le jeune homme avait déjà vu de simples fermes plus grandes, Alrion pouvait petit à petit voir que le chemin futur ne serait pas aisé. Mais en terme de problèmes plus immédiats se trouvait le quatuor forestier et principalement leur chef. Heureusement, il put voir très vite que ces derniers ne leur voulaient aucun mal, bien au contraire, puisqu'il leur proposait quelque chose à boire, ce contre quoi l'élu était rarement, et qui semblait aussi être du goût de ses compagnons, néanmoins, s'il était comme le disait le mage impoli de refuser, ils n'étaient pas venu là pour prendre le thé, alors le colosse, après avoir salué le maître des lieux d'un "Bien le bonjour Monsieur", fit tout de même la remarque à ses compagnons de route :

- On s'arrête d'accord, mais on ne traîne pas, on doit continuer notre route tant qu'on arrive à y voir quelque chose, je n'ai pas envie d'avancer en pleine forêt sans même voir mes pieds, c'est un coup à se casser quelque chose.

Malgré tout, il s'engouffra dans l'habitation à la suite de ses compagnons, donnant une caresse au chien du rôdeur qui allait garder la porte en passant.

Le troisième jour de la Griffe des Tempêtes – année des Dragons renégats.
3 Tarkash 1373 (CV)

Lieu : Au nord-est de Hautelune.
Moment : Milieu de mâtinée
Météo et températures : Froid (-2°C), vents légers à nuls.

MJ
Narration: Nirannor, Dag’Epi, Wilonah, Agath’s, Alrion et Rugrin.

Un consensus avant été rapidement trouvé, les compagnons pénétrèrent successivement dans la masure à la suite des trois fermiers, ce qui leur permis de découvrir une grande salle dans laquelle deux larges tables entourées de bancs faisaient face à une cheminée à la flambée accueillante.
Pendant ce temps, Anikeï et Fourrure encadraient placidement la porte à l’extérieur, rendant peu probable l’irruption ultérieure de qui que ce soit.
Interpellé par Wilonah à peine entrée dans le bâtiment, le rôdeur ne put dissimuler le premier regard qu’il posa sur elle. Celui d'un chasseur tombant nez-à-nez avec un animal tout aussi magnifique que dangereux. Puis cette pensée fit place à une détente manifeste.

- Pardonnez-moi gente dame, lui répondit-il. Mais j’en viens à oublier les convenances à force de trainer seul dans les bois. Oui, je suis une sorte de veilleur en cette partie de Valprofond. Je me nomme Tharmenos. La sage Ekkaty a annoncé votre passage et votre but aux druides et à quelques rôdeurs de la région dignes de confiance.
- Faites place les enfants ! Intima gentiment mais fermement Skerven à quelques bambins qui jouaient là.

Ces derniers ne demandèrent pas leur reste et filèrent dans un couloir adjacent en attrapant les jouets de bois avec lesquels ils s’amusaient.
La salle semblait capable de recevoir du monde et était probablement utilisées par le voisinage comme lieu de rassemblement.

- Installez-vous, messeigneurs. Ajouta le fermier avec force déférence en désignant les bancs.

Quelques cruches trônaient déjà auprès de quelques gobelets de terre cuite et les deux autres fermiers servirent rapidement quelques rasades à tous. Les breuvages se révélèrent être une eau de vie limpide aux accents de menthe et de framboise, ainsi qu’une bière ambrée assez légère. Une douce chaleur ne tarda pas à gagner les membres de ceux qui y goutèrent, accentué par le feu agréable.

- J’ai pensé utile de vous arrêter brièvement ici, commença Tharmenos en s’adressant aux aventuriers, car Skerven et ses voisins ont des informations qui pourraient vous être utiles.

Les fermiers opinèrent tous trois du chef, puis Skerven poursuivit au nom du trio.

- Je parlerai pour mes compagnons car ils manient mal votre parlé, tandis que moi j’ai travaillé quelques années à Hautelune.

Le fermier marqua une pause pour rassembler ses idées.

- Voilà, heu… J’ai été témoin d'une drôle de diablerie au creux de Rakmor il y a quelques semaines. C’est un vallon bien plus à l’Est où j’ai de la parentèle installée dans une ferme isolée. J’étais allé les visiter car la vieille Orah prépare de fameuses médications. Et… Comment dire… Je suis arrivé juste à temps pour empêcher une infamie. Je… J’y ai surpris mon neveu Arod qui trainait sa sœur vers une charrette dans laquelle le reste de la famille était déjà étendu, tous assommés et ligotés. Quand il m’a vu, il s’est jeté sur moi comme un damné. On aurait dit un fou, le regard complètement dément, le visage défiguré par une haine si intense… C’était terrifiant.

Skerven ne put réprimer un grand frisson avant de poursuivre.

- Heureusement, je n’ai pas oublié les années d’entrainement… Oui, parce que j’ai fait quelques années au sein de la garde de la ville… J’ai pu le maitriser et l’assommer. Mais il luttait comme un diable, malgré sa carrure bien plus mince que la mienne. Lorsque j’ai réussi à réveiller les autres, personne n’y comprenait rien. Arod avait toujours été quelqu’un de gentil et bienveillant et tous avaient été contents de le voir revenir après plusieurs jours où il avait disparu. Personne ne s’attendait à ça et il les a assommé séparément par surprise. Sans mon arrivée imprévue, les dieux seuls savent ce qui se serait passé ensuite…

Le silence retomba quelques instants, Skerven encore troublé par ces souvenirs.
Le rôdeur s’avança auprès du conteur et lui posa une main sur l’épaule en geste de réconfort et d'invitation à poursuivre. Ce dernier s’ébroua et ajouta.

- Storr et Bonnal, mes voisins ici présents, ont tous les deux eut vent de la disparition de parents isolés vivant également plus à l’Est, vers la faille maudite…

Un nuage dut passer devant le soleil car une obscurité plus grande sembla tomber sur le hameau. Les fermiers exécutèrent à l’unisson un signe voulant conjurer quelque mauvais sort, le visage empreint d’une inquiétude non feinte…

Agath's se fit servir un petit bol de cette bière ambrée qui se releva être une bière bien goûteuse et légère. Il la dégustait tout en écoutant le récit de leur hôte. Bien qu'il eût déjà affronté le mal sous plusieurs formes il ne put réprimer une petite plainte de panique en imaginant la scène décrite par le chasseur.

Son cerveau se mit à cogiter sur les raisons qu'aurait put avoir le neveu de l'homme pour faire ça. Seulement deux options lui parurent plausibles. Soit quelqu'un avait envoûté le pauvre Arod soit il avait été remplacé par quelque chose à son image...

Le magicien voyait l'histoire comme un puzzle qu'il devrait résoudre et finalement il eût une sorte de révélation.

-J'imagine que votre neveu est enfermé quelque part depuis qu'il a été atteint de cette folie non? pourrait-on le voir?

-La bonne nouvelle est que je pense que les gens disparus sont encore en vie, la mauvaise c'est que je ne crois pas que ce soit pour longtemps.

J'ai déjà lu des récits sur des enlèvements de ce genre et je ne peux imaginer que deux choses qui pourraient contraindre quelqu'un à capturer vivants des hommes et des femmes. Soit l'esclavage soit l'expérimentation. Et je crains que celui qui a rendu fou votre neveu n'ait des pouvoirs qui nous dépassent. Dans les deux cas nous avons à faire à forte partie je ne le crains.

Le mage regarda un par un ses compagnons et cela le rassura s'ils devaient faire face à une organisation quelconque ces hommes valeureux qui l'accompagnaient feraient pencher la balance du côté du bien il en était sûr.

- Alors votre neveu où se trouve-t-il?

- Enchantée de vous rencontrer, je suis Wilonah

Les émotions qui passèrent dans le regard de Tharménos ne lui échappèrent pas et son sourire enjôleur fût une réponse quasi automatique à l'attention qu'il lui portait. Mais elle se reprit...
Ce n'était pas le moment, ni l'endroit.

- Euh ... WIlonah SIltaniel, barde d'Eauprofonde

Elle eut un regard d'excuse avant de se concentrer sur le récit que lui faisaient les fermiers

Horrifiant, on ne pouvait pas nommer autrement les évènements qui s'étaient déroulés,et nul doute que la disparition du jeune homme en était la clef.

- Il a donc acquis une force qu'il ne possédait pas avant sa disparition et a tenté d'enlever vivants des membres de sa famille...

Son regard se porta vers les membres du groupe puis elle fronça les sourcils en apprenant que d'autres avaient disparu

- Le mal préparerait-il une armée ?

Elle se tourna à nouveau vers les fermiers

- Il nous faudrait les noms de ceux qui ont disparu, ainsi que leur lieu de vie, nous devons rapidement prévenir leurs proches de ne pas se fier à ceux qui pourraient être revenus...

Elle se leva, des fourmis dans les jambes

- On ne peut tout expliquer, mais il faut prévenir les hameaux alentours, leur dire que...

Ben oui, leur dire quoi ?

- Qu'une maladie contagieuse traine, et que ceux qui en sont atteints oublient avoir été malades, rentrent chez eux et deviennent fous au bout de quelques jours

L'idée l'emballait et elle s'anima

- Leur dire que de les amener rapidement pour qu'ils soient examinés est impératif ...

Et là, le bat blessait

- Enfin ...

Elle se rassit et engloutit un verre de gnole, le prenant pour de l'eau pure, et s'étouffa sous la morsure de l'alcool.

Les larmes aux yeux, elle reprenait son souffle, contrainte au silence le temps de récupérer.

Les présentations se firent petit à petit, avant que le demi-elfe ne commence à raconter l'histoire pour laquelle il les avait arrêté. Bon hôte, Alrion s'assit sur un siège après avoir vérifié qu'il supporterait son poids, et prit un peu de cette liqueur de framboise, pas mauvaise il fallait dire.
L'histoire était inquiétante, mais peut-être aussi prévisible, ce qui la rendait plus inquiétante encore. On les avait prévenu de troubles divers déjà, et que les habitants de la zone touchée par le mal avaient disparus, ils n'avaient là que le moyen utilisé, et un récit de première main qui confirmait les rumeurs. Bien sur, Alrion n'était pas du genre à se contenter d'un témoignage pour une affaire aussi importante.
Le mage semblait bien mieux analyser la situation que lui-même, avançant des théories sur la survie, temporaire certes, des disparus que le colosse ne pouvait attribuer qu'à ses vastes connaissances théoriques, mais s'il avait raison, alors il fallait faire au plus vite pour aller les sauver, même si étudier celui contaminé par le Mal, volontairement ou non, c'était une autre question, pouvait être utile, surtout qu'ils ignoraient où étaient ces gens, quel que soit leur état actuel.
La dame aussi semblait avoir des idées, mais Alrion grimaça en les entendant, répondant :

- Il faut également faire attention, si quelque chose se répand dans les environs, quiconque ira prévenir les hameaux mettra sa vie, et celles des autres, en danger. L'idéal serait un moyen de communication à grande distance, et dans tous les cas, l'évacuation préventive, même si elle peut paraître extrême, est la solution la plus sûre.

Alrion savait qu'il existait des sorts capables de tels prouesses, même s'il n'avait jamais vu personne en lancer. Aussi, il se doutait bien qu'il était peu probable que le rôdeur puisse faire quelque chose du genre, mais peut-être dans la forêt se cachait d'autres aficionados de la nature qui en étaient capables. Et si le guerrier gardien aurait été volontaire pour partir prévenir les habitants, protégé qu'il était pas son dieu, il savait qu'il était meilleur pour tous d'essayer plutôt de résoudre le problème à sa source, et faute d'autre endroit connu où ce dernier s'était manifesté, ce vallon semblait être une bonne première piste.

Le Hin avait écouté debout non loin de Alrion qui avait pris place autour de la table. Sa petite taille sur ces chaises non adaptée aurait rendu l'assise du barbare/druide bien ridicule avec des yeux aux niveau de la chope posé sur la table.

Non il resterait debout sa dignité était en jeux. Il ne se fit néanmoins pas prier et prit une chope qu'il bu sans raffinement, étouffant un rhô dans sa gorge pour ne pas paraître trop mal poli devant le récit dramatique du rôdeur.

Mais là ou certain comme Wilhona voyait un épouvantable drame, Dag'Epi y voyait une opportunité de se frotter à un adversaire puissant et sans ménagement. Alors quand le demi-elfe avait suggéré d'aller à la rencontre du malin il montra son enthousiasme tapant son poing droit dans sa main gauche.

- Oui ! Allons rendre visite à ce neveux. Qu'importe le mal qui l'habite nous verrons bien ce que nous pourrons en tirer.

*En information ou autre...* finit-il par penser.

Il semblait bien que les disparitions mystérieuses et leur mission était lié, mais de la à en comprendre les dessins s'étaient trop en demander au petit être. Mais il compter bien y mettre un terme avec ses compagnons. Alors il était tant d'aller de l'avant et ce neveux était un bon point de départ.

Pour ce qui concernait l'alerte des villages voisins, le Hin ne se sentait pas légitime de souffler dans un quelconque cor d'alarme ou de rapatrier les gens comme pouvait le suggérer certain.

- Comme pour les ragots ce genre d'histoire se répand comme poussière au gré du vent, les hameaux des alentours ont déjà dû faire le nécessaire. Allons plutôt voir ce que le neveu pourra nous révéler.

Silencieux comme à son habitude et en retrait, le gardien sylvestre écouta ses hôtes afin de les jauger. Au sein de sa communauté, ses amis lui avaient appris à ne pas se dévoiler tout de suite. Le rôdeur demi-elfe prit la parole, se présenta avant de développer son témoignage. Nirannor se retrouva rapidement avec un verre à la main, préférant nettement la bière à l'eau de vie. Tharmenos semblait être le porte-parole des villageois, ces derniers peu habitués à parler le commun.

A première vue, leur mission étaient connues de beaucoup, Nirannor n'appréciait guère cela. Malgré tout, il irait au bout et écouta donc l'histoire du fermier Skerven. Tous les évènements racontés semblaient se situer vers la même source, cette maudite faille. Ses compagnons commencèrent à poser les premières questions sur ces disparitions d'hommes et de femmes. Le colosse eut une réflexion rejoignant les idées de Nirannor, mettre en sécurité les habitants les plus proches du lieu. Le Chondathien finissait donc son verre avant d'avancer d'un pas et de s'exprimer.

- Vous qui connaissez bien les lieux en tant que chasseur, avez-vous une idée des situations et des dates à laquelle ces évènements ont eu lieu ?

Pour aider son interlocuteur, Nirannor s'approcha de la table, positionna une bouteille en son centre et dit

- Imaginons que cette bouteille est la faille, pourriez-vous indiquez les villages concernés par ces disparitions ?

Il tendit vers Tharmenos son verre pour que le demi-elfe puisse représenter le premier évènement raconté et conclu.

-Ainsi nous pourrons mieux apprécier l'évolution du Mal et estimer sa source.

Le troisième jour de la Griffe des Tempêtes – année des Dragons renégats.
3 Tarkash 1373 (CV)

Lieu : Au nord-est de Hautelune.
Moment : Milieu de mâtinée
Météo et températures : Froid (-2°C), vents légers à nuls.

MJ
Narration: Nirannor, Dag’Epi, Wilonah, Agath’s, Alrion et Rugrin.

h, Arod est toujours avec sa famille, maitre Elfe ! Répondit promptement Skerven à l'interrogation d'Agath's. Le vieux Brilagh a refusé de le faire traduire devant la justice de Hautelune et martèle à qui veut l'entendre que le règlement de ce petit différent avec son cadet ne regarde pas les gens de la ville. Arod était enfermé dans une cellule improvisée, dans la grange, aux dernières nouvelles...

- Ce n'est guère étonnant, renchérit Tharmenos pour mieux expliquer cette tournure des évènements aux aventuriers. Brilagh et Orah ont gagné leur place à force de courage et de dur labeur. Contrairement aux paysans vivant proches de la ville, ceux habitant en pleine forêt ne font que peu appel au seigneur Ulath. Ils règlent leurs affaires eux-mêmes tant qu'il ne s'agit pas d'un péril d'envergure.

Les deux autres fermiers acquiesçaient à chaque intervention avec force hochements de tête et petits bruits de gorge, même s'il était manifeste qu'il leur était difficile de comprendre chaque parole prononcée.
Les remarques de Wilonah furent écoutées religieusement par l'assistance, même si la raison n'en était pas que la pertinence des propos, jusqu'à ce qu'elle arrache à tous quelques sourires amusés de sa liquoreuse déconvenue.

- Je ne saurais trop dire si c'est la haine qui lui donnait une telle force, hésita Skerven à voix haute, ou quelque chose d'autre ? Ou peut-être étais-je trop surpris sur le moment ? Ça s'est passé si vite...

Dag'Epi fit un simple commentaire conforme à sa nature, tout en abondant dans le sens du mage. Quant à Alrion, son appel à la prudence qui suivit immédiatement jeta un certain froid parmi les paysans, même si celui-ci n'en remarqua rien sur le moment.

- Évacuer en masse serait une épreuve impossible, messire, répondit Tharmenos au blond Chondathien, lui témoignant un respect naturel et venant au secours du trio incapable de décrire ce qui le dérangeait vraiment. Les fermiers de la forêt sont installés dans des exploitations éparpillées et bien souvent isolées les unes des autres. Ils défendent souvent seuls leurs terres contre maraudeurs et voleurs depuis bien trop longtemps pour tout abandonner sur une rumeur encore imprécise.

- C'est bien vrai, abonda finalement Skerven. La grande majorité des habitants de la forêt sont maintenant au courant du fait qu'il se passe peut-être des choses encore plus bizarres que d'habitude, et que cela concerne avant tout des comportements jugés, euh... criminels. Mais même cette méfiance accrue ne les délogera pas de leurs lopins. Ils ont trop trimé pour quitter les lieux sur une menace invisible.

L'intervention de Nirannor donna ensuite à réfléchir au rôdeur semi-elfe.

- Eh bien, Tanael, commença t-il avec hésitation en plaçant son épée courte sur la table, à la place de la bouteille, la faille a apparemment cette forme étirée d'Est en Ouest, comme ceci. Je ne l'ai jamais observée directement moi-même car il est trop dangereux de l'approcher, mais je crois que le plus ancien rapport de comportement étrange doit dater d'il y a cinq mois. Mais je n'en ai entendu parler qu'il y a peu. C'était à la clairière des Bernach, située droit au Sud par rapport au milieu de la faille, à environ trente-cinq kilomètres d'ici. Ils ont réglé l'affaire eux-mêmes et ont simplement pensé que la fille de Bolg avait perdu la raison. Ils ont dû l'abattre apparemment et n'étaient pas pressés de s'en vanter auprès de quiconque...

"Tanael"... Tharmenos considérait visiblement Nirannor comme un aîné et ne s'en cachait pas.

- Ben, en plus du Creux de Rakmor, il y aurait eu la ferme des Marguild, celle des Varkot, la pointe de Mirelieu et le hameau de Pierrefend. Là, là, là et là ! Ajouta t-il en désignant sur la table différents points situés tous plus à l'Est de la ferme des Bernach. Mais difficile d'être sûr de l'ordre dans lequel cela s'est passé. En effet, comment être certain de quelque chose lorsque les intéressés ont tout d'abord honte d'évoquer ce qu'ils croient au départ être la manifestation isolée d'une tare familiale, puis que des rumeurs souvent fantaisistes se mettent à inonder le val en soupçons grandissants entre voisins.

La conclusion du rôdeur laissa planer un long silence durant lequel on eut pu croire entendre grincer les rouages des esprits assemblés séant. La situation ne paraissait effectivement pas simple et avait peut-être motivé le recours à des instances extérieures au val...

- Quoi qu'il en soit, conclut Tharmenos en récupérant son arme et en s'apprêtant au départ, je peux vous mener au Creux de Rakmor pour que vous puissiez interroger le jeune Arod. Je dois ensuite aller inspecter le domaine des Givreserre dont on a pas eu de nouvelles depuis un peu trop longtemps.

A l'extérieur, le soleil poursuivait lentement son chemin vers son zénith sur une terre assoupie par l'hiver. La journée semblait vouloir se dérouler sans caprice notable du temps et il tardait manifestement au semi-elfe de reprendre la route...

Avec beaucoup d’attention, Nirannor écouta les différentes réponses et explications de son hôte. Malgré toute la précision possible que ce dernier pouvait donner, le gardien sylvestre ne concluait rien de bien concret sur la progression du Mal. D’un signe de tête il remercia le chasseur puis ajouta à son attention et celles de ses compagnons.

-Bien, ce Creux de Rakmor semblerait être la piste la plus sérieuse que nous ayons. En tout cas s’y rendre nous rapprochera de l’origine de ce Mal et nous permettra de mieux cerner notre ennemi.

Il se tourna plus vers son hôte.

-Combien de temps pour nous y rendre ?

Si de prime abord, le Chondathien donnait toute confiance à ses interlocuteurs, il envisageait intérieurement toutes les possibilités de ce témoignage. Notamment un piège tendu, peut-être pas par ces villageois mais d’autres personnes les manipulant ou ayant eu écho de leur venue. Au cours de ces nombreuses quêtes, Nirannor avait appris à se méfier car derrière certaines façades, se cachent des mauvaises lézardes. Il lui faudrait donc converser avec l’un ou ses deux compagnons de la guilde afin d’établir un plan pour couvrir éventuellement leurs arrières. S’approcher de la faille risquait d’être dangereux, il le savait, mieux valait donc se prémunir de mauvaises surprises.

Attendant la réponse de Tharménos, il s’approcha de la barde, future novice des gardiens Sylvestres. Il s’inclina légèrement pour que sa bouche soit à hauteur de l’une de ses oreilles, posa une main protectrice sur son épaule et lui souffla quelques mots.

-Il est souvent préférable de penser en silence et de se méfier de certaines boissons.

Il se releva et offrit à son interlocutrice un large sourire taquin.