Prologue [Glimble] - La Taupe et la Chandelle, RP d'introduction

Terrier d'Halvena Chanjachère - Boisgrévier
Quelques jours avant le Dorthkhel Svirrik


Glimble n'aurait su dire précisément depuis combien de temps il se trouvait dans le cabinet d’Halvena. La magicienne, d'un ton ferme et néanmoins affectueux, avait requis l'aide de "l'invétéré dévoreur de papier" pour remettre de l'ordre dans les rayonnages. Il n'avait pas fallu longtemps au gnome pour dénicher un feuillet mystérieusement échappé à sa boulimie livresque et, bien malgré lui, se détourner de sa mission.

L'essai était court, mais dense, d'autant plus pointu qu'il était rédigé dans cette langue si complexe qu'était le draconien. Sur une douzaine de pages, un auteur inconnu comparait laborieusement les mérites et les inconvénients d'additifs aux encres destinées à la rédaction de parchemin de sorts. S'était-il endormi ? L'air était tiède, empli d’une odeur de vieux livres et de poussière mêlée aux relents doucereux des herbes séchées.

Un peu penaud sans doute, l'apprenti se remit à la tâche. La douce lumière des lanternes verdies par la mousse glissait sur les étagères croulantes et chaque objet semblait murmurer des secrets oubliés. Glimble s'était toujours délecté de l'ambiance de ce lieu, dont il n'avait plus assez que d'un œil pour se rassasier. Il était en train de déplacer avec précaution une pile de grimoires, redressant les parchemins en désordre, quand son regard s’arrêta sur une mince chandelle de cristal. Celle-ci était couchée au fond de l'étagère, pour ainsi dire ensevelie derrière les manuscrits. Sur son socle, une pierre sombre gravée d’inscriptions runiques paraissait vibrer légèrement, comme si elle contenait un souffle de vie retenu.

Treize-cent-soixante-treize. L'année des Dragons Renégats.

Qu'est-ce qu'Augathra le Dément -ou bien était-ce déjà Alaundo pour cette année-là ?- avait-il bien pu vouloir dire en nommant ainsi ce millésime ?
Quoiqu'il en soit, cette année-là Glimble Otto Nebel Jonk, dit "La Taupe", dit "L'Aveugle", dit "Gonj", dit "Lit-tout", Nopelstallen avait fêté son quarantième anniversaire le jour de l'Hiver Fatal. Quel triste nom pour un jour de célébration !
De toutes manières, s'il n'était pas contre une facétie de temps en temps, le débordement de farces qui entourait les fêtes (dont son propre anniversaire), avait le don d'ennuyer Glimble. Oh ! Il ne s'en vantait pas, et avait pris l'habitude, depuis quatre décennies maintenant, de feindre un amusement sans limite.
Ainsi, cette année le pesait : beaucoup trop de gens, en premier-lieu ses soeurs et le reste de sa famille, parlait de cette année magique, de cette année charnière, de cette année, de cette année, de cette année....
Mais cette année, c'était surtout une de celles où il serait le plus attendu sur ces conventions sociales d'un ennui à mourir ! Des blagues par ci, des calembours par là, et "qu'as-tu L'Aveugle, tu ne ris pas ?", et "raconte-nous une histoire"... et surtout Dorthkhel Svirrik !
Dorthkhel Svirrik. Qui avait pu inventer cela ? Oui, il aurait pu disserter des heures sur l'âge de ces coutumes anciennes, leur impact dans la sociologie de la société gnome en particulier à Boisgrévier, mais... Mais, cette année, c'était pour lui. Les solennités, quel temps perdu ! Les épreuves, quel intérêt pour le fétu de paille qu'il était ? Le sens de l'humour, encore avec l'humour ?!

La simple évocation de Dorthkhel Svirrik provoquait chez Glimble Nopelstatten un ennui profond... qu'il s'efforçait de cacher en lâchant le premier calembour qui lui venait à l'esprit. Et qu'importe la dissonance.

Las !
Au moins aujourd'hui, pouvait-il s'évader dans les rayonnages d'Halvena Chanjachère. Ranger des mètres et des mètres d'alignement de livres et autres parchemins n'était pas l'activité la plus intéressante qui soit, mais au moins était-il tranquille. Et puis cet essai très synthétique sur les encres magiques avait aiguisé sa curiosité. Il fallait qu'il le garde de côté pour voir s'il ne pouvait pas améliorer ses propres encres. Les thèses abordées étaient futées, il fallait le reconnaître.
Bon, d'accord, il s'était endormi dessus... Mais d'abord, il n'en était pas responsable. S'il n'y avait pas eu ENCORE un repas de famille pour fêter le retour de la dernière expédition de sa sœur Enidda, il se serait couché plus tôt et aurait eu son quota de sommeil, ce qui lui aurait évité de s'endormir.

Glimble avait beau ressasser son excuse toute trouvée, il ne pouvait totalement se détacher de cette culpabilité qui s'accrochait malgré tout alors qu'il déplaçait parchemins et grimoires.
C'est à ce moment-là qu'il le vit. Qu'il la vit ? On aurait dit une chandelle. Une mince chandelle de... de cristal ? S'arrêtant de bouger, il tendit les oreilles.
- Frrrrt flap flap frrrt.

Il leva les yeux, et lança un regard noir à une petite chauve-souris qui chassait un papillon de nuit. Comme si elle l'avait compris sans qu'un mot ne fût échangé, Sérotine s'interrompit et alla se suspendre à une poutre, observant le jeune gnome.

Glimble fixa à nouveau la chandelle de cristal.
- Bzzzzzzzz
Elle... vibrait ? Étrange. Son socle semblait gravé de runes. Il réfléchit quelques secondes : au mieux, c'était un artefact millénaire qui pourrait lui apporter mille enseignements. Bon, cela pouvait être aussi un objet maléfique qui le maudirait à peine le toucherait-il, ou, pire, cela pouvait n'être qu'une vulgaire babiole faite pour soutirer de l'or aux stupides humains des comptoirs environnants.
Il s'en empara.
Dégageant une table d'une main -et renversant ainsi au sol une demi-douzaine de parchemins et quelques ouvrages en cours d'étude- il déposa délicatement l'objet avec son autre main.

Il contempla l'objet. Il n'en avait pas vu de tel. Il détailla longuement les inscriptions, fouillant dans ses connaissances afin de retrouver sinon la signification, au moins l'idiome. Il se demandait si il n'avait pas vu une description de cet objet quelque part non plus.
Dans le pire des cas, si cela ne lui disait rien, il était au meilleur endroit pour mener ses investigations et se renseigner. Ah ! Quelle merveilleuse nouvelle ! Cette journée -cette année, même- se présentait sous un bien meilleur jour !

Glimble essaie d'identifier l'objet, les runes ou au moins l'idiome.
En cas d'échec, il va chercher l'ouvrage le plus adapté dans la bibliothèque d'Halvena.

Il ne fallut pas bien longtemps à l’astucieux apprenti pour reconnaître dans les arabesques ciselées sur la pierre des caractères elfiques. Néanmoins, si l’alphabet relevait de l’Espruar, le mot appartenait lui au langage sylvestre – celui de bien des créatures, mais d’abord des fées.

- , murmura-t-il du bout des lèvres, si bas qu’il s’entendit à peine.

Le cristal projeta immédiatement une lueur laiteuse, douce mais singulière. Sous son éclat, les ombres des objets alentour semblèrent se décoller du sol. Elles dansaient sur les murs, ondulaient avec une grâce capricieuse, se contorsionnaient en formes tantôt familières, tantôt grotesques : un profil rieur, des mains aux doigts trop longs, une silhouette enfantine qui se dissipait avant qu’il n’ait pu la fixer. Une impression de bruissement, comme des chuchotis ou des ailes froissées, flottait dans l’air.

Sérotine demeurait imperturbable, accroché au plafond, comme aveugle ou indifférente à ce formidable spectacle.

C’est alors que Glimble ressentit une tension légère mais insistante courir le long de ses yeux – ses deux yeux. L’espace d’un instant, il crut retrouver une vision entière, presque normale, mais traversée d’éclats chatoyants. Était-ce un mirage cruel ? La chandelle cherchait-elle à se jouer de lui ?

Les reflets du cristal esquissaient sans cesse de discrets signes, tracés fugitifs qui disparaissaient au moment même où son esprit s’efforçait de les assembler. Devait-il y lire une promesse d’ordre, une énigme à résoudre, ou céder à ce chaos joyeux comme on se laisse emporter par un rire ? Son imagination, avide de découvrir des motifs cachés, se gorgeait de ces apparitions insaisissables. Autour de lui, les ombres poursuivaient leur ballet, légères mais ambiguës, joueuses sans être tout à fait inoffensives. Comment apprivoiser cette capricieuse magie avant qu'Halvena ne revienne ?

Glimble Nopelstallen était subjugué par ces ombres dansantes. Entre deux errances de son esprit, il regrettait ne pas réussir à en invoquer des ombres ainsi...
¤Invoquer ? Et s'il s'agissait d'une... illus... non...¤ ces ombres chatoyantes le réconfortaient tant qu'il avait du mal à diriger son esprit, qui gambadait comme un enfant joyeux dans une clairière.

Après un temps qu'il ne put définir : quelques minutes ? dizaines de minutes ? ou seulement quelques secondes ou fractions de secondes ? Il ne put réfréner son désir comprendre : comment cet objet pouvait-il générer de telles lumières, et donc animer ainsi de telles ombres ? de tels éclats qu'il pouvait voir de ses deux yeux ?

De ses deux yeux ? De ses deux yeux ! Les voyait-il vraiment ? Ou peut-être, plus sûrement, étaient-elles nées dans son esprit ?

- Sérotine ? Vois-tu ces éclats chatoyants ? demanda-t-il.

Glimble essaie d'une part d'identifier l'effet magique sur les ombres, et d'autre part d'identifier l'effet sur ses yeux, et en particulier son oeil droit. S'il identifie une illusion, il essaie d'en prendre le contrôle ou à défaut de s'en libérer.

Perchée dans un recoin sombre, Sérotine fit claquer sa langue membraneuse – manière coutumière de signaler qu’elle avait bien entendu son maître. Ses ailes frémirent dans un ébrouement paresseux… puis, soudain, elle poussa un cri sec et se recroquevilla, refusant de tourner la tête vers les éclats mouvants. Le lien télépathique qui unissait Glimble à son familier lui transmit une décharge brutale d’aversion, mêlée à la peur. Dans son empressement à percer le mystère, l’étourdi avait oublié combien sa chère compagne abhorrait la lumière. Elle allait sans doute le lui reprocher longtemps...

Les yeux plissés, le gnome se concentra davantage. A force de patience, il crut discerner des motifs récurrents dans le ballet des silhouettes projetées. Celles-ci semblaient former des cercles, se nouer puis se défaire, comme une écriture mouvante qui se dérobait aussitôt qu’on tentait de la déchiffrer. Était-ce une illusion ? Peut-être… mais d’une facture si subtile qu’aucun sortilège connu ne lui revenait à l’esprit.

Quant à sa vue… l’impression persistait. Son œil droit, habituellement muet, transmettait à son esprit des éclats fugitifs, comme si une braise s’était rallumée dans une cavité depuis longtemps éteinte. La sensation n’était ni douloureuse ni confortable : seulement étrange, terriblement étrange.

Au même instant, Glimble crut entendre — ou imaginer — un éclat de rire léger, enfantin, qui traversa la pièce comme un souffle. Les ombres s’immobilisèrent d’un coup, figées, tendues vers lui. Puis elles reprirent leur ronde, plus rapides, plus pressées, comme pour l’inviter à les suivre… ou à leur donner voix.

Glimble identifie une combinaison de magie d'illusion et d'évocation. Il constate que les ombres ne sont pas le produit de son imagination, mais bien réelles : il suppose que la chandelle les anime, sans en voir la certitude. Quant à son œil, il ignore par quel prodige ces fugaces sensations lui sont rendues.

Lancers...

Glimble O.N.J. Nopelstallen - Jet de compétence : Art de la magie : 16(d20) +4(deg) +4(Int) = 24

 « La Taupe » n’en croyait pas ses yeux. SES yeux.
Certes cette chandelle de cristal était magique. Certes la magie pouvait créer des illusions de vie pour des aveugles, ou des borgnes en l’occurrence. Mais il avait le sentiment que c’est différent de cela. Ou plus profond.

Il se tourna vers Sérotine, l’air sincèrement contrit de l’avoir poussée à se blesser. Et lui présenta ses excuses télépathiquement, lui promettant de l’emmener dans la grotte du bosquet druidique, souvent envahie de moucherons et autres petites insectes à la tombée de la nuit. Cela n’effacerait pas la douleur de la chauve-souris, mais il lui devait bien cela.

Il essaya diverses choses : cligner des yeux. Cligner d’un œil, puis l’autre. Fermer plus longtemps les deux yeux. Un œil. Puis l’autre. Il cherchait à investiiguer, disséquer même cette illusion.
Ce n’est qu’au bout d’un moment qu’il se frappa le front en lâchant « Quel âne ! » et ôta son cache œil. Son œil droit ainsi dégagé, il s’essaya à nouveau à identifier la portée et le fonctionnement, peut-être, de cette magie : cligner les yeux, puis chaque œil, fermer les yeux, puis chaque œil.

Quand il eut terminé ces recherches sur lui-même, il prit le temps d’observer les ombres. De comprendre où voulaient-elles l’emmener… ou… parler ? Il songea à lancer un sort pour faire naître un son à partir de rien, sans trop savoir comment il terminerait l’incantation. Il ne voulait pas parler lui-même, mais donner voix à ces ombres.

Glimble lance Son Imaginaire.