
La traversée avait été longue, secouée par les vents du large et la rumeur des tempêtes.Mais elle l’avait traversée. Comme tout ce qui l’avait précédée.
Dans la cale, entre les ballots de grain et les caisses de ferraille, reposait un petit coffret noir. Fermé, sans serrure apparente. À l’intérieur, une seule chose : une broche en argent terni, en forme de corbeau les ailes repliées. Le symbole ancien d’un ordre oublié… ou d’un homme disparu.
C’était tout ce qu’elle avait retrouvé de lui.
Pas un mot. Pas un corps. Pas une trace dans les registres du clergé.
Seulement un objet, venu de nulle part, confié à un messager qui avait fui dans les terres avant d’être tué près d’Elturel. Avant la Chute. Avant la fin de tout.
Elle s’était jurée de retrouver la source. Le corbeau n’était pas seulement un ornement. Il était un lien.
Et il battait désormais dans son dos, invisible, comme une aile noire repliée contre sa foi.
Le navire atteignit la côte à l’aube, dans un craquement de bois mouillé et l’odeur des algues pourrissantes. Elle ne remercia personne. Aucun mot. Seulement ce regard droit, que le capitaine n’oublia jamais.
Une silhouette de fer et de silence, qui s’éloignait vers la lisière du continent.
Vers l’intérieur. Vers la terre. Vers les ombres.
Le Cormanthor
Les premières semaines furent dures.
La piste n’était faite que de silences, d’impressions, de lieux abandonnés trop récemment. Une silhouette vue, furtivement, près d’un cercle de pierres. Un nom chuchoté par un ermite presque fou, dans un sanctuaire en ruine. Et cette certitude : il était passé par là.
Puis le Cormanthor.
Forêt ancienne. Forêt fière. Forêt qui juge les pas de ceux qui l’arpentent.
Elle avait pénétré ses franges sans cérémonie. Le ciel s’était refermé derrière les ramures. Le monde était devenu vert, noir, gris, et plein de regards cachés.
Chaque soir, elle dressait un camp rudimentaire, et chaque nuit les bruits semblaient se rapprocher. On l’observait. On l’évaluait. Pas un cri, pas une attaque. Mais ce silence pesant, entre deux bruissements de feuilles, entre deux battements d’ailes.
Les arbres étaient trop anciens pour oublier.
Puis, sans même qu’elle sache comment, les repères s’étaient effacés. Les mousses ne disaient plus le nord, les chemins de chasse semblaient tourner en boucle. Le silence lui-même paraissait plus lourd.
Elle n’était plus sur une piste. Elle était ailleurs.
Au matin, une brume pâle s'était glissée entre les troncs. L’air était devenu humide, presque salin. Un souffle. Un courant plus frais. Différent.
Quelque chose, dans la texture même du monde, changeait.
Les oiseaux s’étaient tus. Les racines semblaient s’écarter sous ses pas. Un étang peut-être… ou un bras d’eau invisible. Elle ne voyait rien encore, mais l’odeur avait changé.
Pas un signe. Mais l’instinct, peut-être. Ou autre chose.
Ses pas l’entraînèrent plus loin. Et le corbeau sur sa broche sembla peser un peu plus lourd.

Mes PJs : Azur'ael, la gardienne des mystères ; Shalan le chevalier de la Seldarine ; Kuan Shen-li, l'archer spirituel MG : Tenavril, Haut Dracosire de l'Œil du Dragon
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