L'ombre du Corbeau, Vela

Le fil invisible que Vëla cherchait à suivre lui échappa. Sa prière, pourtant sincère, se heurta à un silence lourd : le Chant, ou la guidance intérieure qu’elle espérait, se déroba comme une étoile derrière les nuages. Son esprit, troublé par l’intensité de la récente oraison, ne sut discerner si ses pas devaient la porter vers la lumière du pont ou l’ombre de la forêt. Tout semblait se confondre, comme si Torm lui-même retenait la réponse.

Pourtant, ses sens divins répondirent, plus sûrs qu’une intuition. La Détection du Mal se déploya comme une onde claire dans la brume de ses doutes. La silhouette immobile sur le pont ne portait aucune noirceur. Pas d’aura corrompue, pas de souillure infernale ni d’écho nécrotique. C’était un être vivant, ancré dans le monde, dont l’âme semblait claire — ou du moins, non pervertie.

Mais dans l’ombre des arbres, là où le craquement s’était fait entendre, quelque chose vibrait autrement. Pas une aura de mal pur, mais une tension, une dissonance. Quelque chose de dissimulé, volontairement. Une présence qui se savait observée… ou qui attendait le bon instant pour paraître.

S’avançant avec précaution, la Rashéménienne glissa dans la pénombre. Sa furtivité, correcte mais imparfaite, lui permit de quitter l’ombre du grand tronc sans attirer aussitôt l’attention. Pourtant, un froissement à sa gauche — un souffle trop court, comme une respiration retenue — lui rappela qu’elle n’était pas invisible aux yeux de ceux qui la guettaient.

En s’approchant davantage du pont, ses effluves divins détaillèrent l’aura du solitaire. C’était un elfe, vêtu d’un manteau de voyage usé, dont les traits nobles étaient marqués par la fatigue. Ses yeux, d’un vert de mousse, semblaient chercher quelque chose au loin, comme s’il guettait un signal. Dans ses mains, il ne tenait pas d’arme brandie, mais un bâton noueux qui avait plus l’air d’un appui que d’une menace. Sa présence respirait la patience et l’attente. Pas la provocation.

Dans l’ombre de la forêt, cependant, le silence était retombé après le craquement. Rien ne bougeait. Pas même le souffle du vent. Comme si la forêt elle-même attendait que la paladine fasse son choix.

Vëla revenait à peine de l’univers infini, au-delà des étoiles scintillantes, là où résidait un lieu mystique, enchanteur, dont la renommée dépassait les frontières du temps et de l’espace. Réceptacle sacré où convergeaient toutes manifestations de l’amour qui pour elle était un lieu béni de magnificence. Qu’elle ait perdu la trace de ce fil qui la connectait à ce somptueux emplacement ne la décevait pas, elle s’y attendait, dans ce monde dense, la félicité ne dure jamais longtemps, cependant elle ressentit un rude retour qui vint la fortifier auprès de Torm.

La vision du juste ne mentait jamais, l’être sur le pont, ne semblait pas perverti, ce qui la réconfortait, néanmoins ce qui se tenait dans l’ombre des arbres, attendait le bon instant pour surprendre. Dans son effort pour faire de même, elle sentit soudain une faute, interdisant tout doute sur sa présence. Son avancée lui prouvait donc la présence d’une représentante du beau peuple, patient, fatigué et déterminé à affronter.
Sortant doucement du sous-bois et restant en face de l’ombre de la forêt, tel un crabe, elle approchait du pont et laissait aller quelques mots dans cette langue dont elle adorait parler et qui se voulait rassurante, mais en serait-il ainsi perçu. En toute déférence et dans un presque silence…


- Devant la mémoire des arbres millénaires et la pureté de votre lignée que les vents qui parcourent les forêts nous soient favorables. Qu’ils portent mes paroles jusqu’à votre cœur, je me présente humblement, Vëla de Torm, gardienne de lumière de l’Ordre du Corbeau. Par respect devant la sagesse de votre peuple, je m’incline. Puisse votre regard être aussi clair que les étoiles qui veillent, car là, dans l’ombre veille. À deux nous ne serons pas de trop contre cette chose qui veut surprendre. Que la paix des rivières et la force des racines m’accordent la faveur de votre écoute. –

Son regard osait se porter rapidement dans celui de celle qui se tenait sur le pont puis rapidement le remit en direction de la forêt, là où elle croyait avoir entendu le craquement. Sa vision du juste continuait et elle attendait soit une réponse, soit une action.

Ô, son épée sainte, toujours dans son fourreau dorsal et Flô, son arc saint, toujours dans son carquois efficace. Sa seule arme du moment, sa volonté, sa détermination et sa vision du juste restaient au rendez-vous. Elle scrutait les alentours avec les yeux de Torm jusqu'à percevoir ce qui pouvait les traquer.




Suite de Détection du mal.
Détection.

Lancers...

Vëla - Jet de compétence : Perception : 12(d20) +6(deg) +3(Sag) = 21

Le souffle du vent s’était calmé, comme suspendu entre deux battements du monde. Sur le pont moussu, la silhouette elfique demeurait immobile, auréolée d’une lumière diffuse. Son visage, à demi dissimulé sous un capuchon de soie grise, se leva lentement lorsque Vëla parla. Sa voix, lorsqu’elle répondit, était douce mais grave, empreinte de cette musicalité propre aux anciens Tel’Quessir.

— Tu parles avec le respect des anciens jours, Vëla de Torm. Peu d’humains foulent encore ces sentiers sans y laisser la trace du fer ou du feu. Mais ton cœur ne porte ni souillure ni tromperie.

L’elfe — un homme, à la peau d’opale et aux cheveux d’un argent voilé — fit un pas en avant, lentement, les mains ouvertes. Autour de lui, les arbres semblaient se pencher, attentifs.

— Je suis Elenion, gardien de la passe de Daranthil. Ce pont relie les vestiges d’une ancienne forteresse des Marcheurs de la Lumière Silencieuse… ou du moins ce qu’il en reste. Nul ne vient plus ici, sinon ceux qui cherchent la vérité ou la mort.

À ces mots, un frisson parcourut l’air. La détection de Vëla, telle une onde pure, s’étendit dans la forêt… et révéla une présence. Non pas au loin, mais tout près. Sous les racines d’un grand frêne, quelque chose respirait. Une essence sombre, ni tout à fait vivante ni tout à fait morte. Un souvenir de mal.

Elenion se raidit soudain, ses yeux d’ambre s’assombrissant.

— Vous n’êtes pas seule, paladine. Ce que vous avez senti veille depuis longtemps. C’est un Gardien déchu, lié jadis à ceux que vous appelez les Marcheurs. Sa volonté s’est brisée avec la chute de la Rose Noire… et depuis, il protège ce lieu contre tout souffle de lumière.

À cet instant, le sol vibra légèrement. Des éclats d’écorce se détachèrent, un souffle lourd s’échappa du sous-bois. Deux yeux pâles s’ouvrirent dans la pénombre — vastes, sans pupilles, baignés d’un éclat lunaire corrompu.

Elenion sortit lentement une lame d’argent, sans la brandir.

— Si vous croyez encore aux serments, suivez-moi sur le pont. Là, nous ferons front ensemble.

La voix d’Elenion et son timbre était un ravissement pour l’humaine qu’elle était. La situation présente était tendue, du fait de ce qui guettait dans l’ombre de la forêt, cependant, la jeune femme de la Rashéménie ressentait en elle, la valeur du moment et avait un haut respect pour le représentant auprès d’elle et ajoutait, toujours dans cette merveilleuse langue du beau peuple…



L’ex-folle de Torm, n’eut le temps de terminer, car les yeux d’ambre d’Elenion scrutaient là, sous un frêne, un souvenir de mal. Les paroles du gardien vinrent solidifier les valeurs profondes de mansuétude de la paladine. Elle ne put s’empêcher d’avoir une pensée pour Elion qui de sa rectitude aurait sorti son arme pour pourfendre la menace, cependant, Vëla était d’une autre trempe, l’indulgence faisait partie de son lot. Elle en avait là, encore une fois, la preuve, car la suite du gardien de la passe de Daranthil lui confirmait que le moment était possiblement venu.

Lorsque les yeux pâles d’éclat lunaire corrompu les fixaient, elle ajoutait toujours avec cette langue chantante…

À la missive du gardien, la jeune femme répondit en faisant briller son aura de bravoure et le suivit sur le pont. Tout son être crépitait d’une force encore jamais égalée, comme si elle puisait la lumière directement de l’Akasha, elle devint une longueur d’onde, une vibration puis en regardant directement les yeux pâles d’éclat lunaire corrompu, elle sut. Elle aurait utilisé la splendeur de l’aigle qu’elle n’aurait pas été juste, elle voulait être à armes égales, elle devait faire comprendre qu’il n’y avait pas de ruse ou de perfidie que la vérité et utilisait toute sa compétence pour faire passer le message, et ce, à armes égales : ses armes devenaient sa voix, ce chant qu’elle offrait…

- Toi marcheur, écoute… écoute au-dedans de toi…ce qui t’enserre n’est pas toi. Ce qui te murmure n’est pas toi. Sous l’ombre… veille la braise, sous les chaînes… bat la lumière. Souviens-toi… souviens-toi… avant la nuit, avant la voix des ténèbres, il y avait en toi l’éclat. Il n’est pas mort. Il t’attend. Il t’appelle. Écoute ma voix, et qu’elle devienne tienne. Écoute ta lumière, et qu’elle s’élève. Choisis. Choisis la flamme qui libère. Choisis le Chant qui veille. -

Une larme opale coula sur sa joue droite, l’espérance ne faisait plus partie du moment, c’était la vérité pure qui œuvrait.



Aura de bravoure.
Social.(persuasion)
Si la menace attaque, fera en action libre, "dévotion de la loi".