Chap. 2 - La Quête de l’Asphodèle Pourpre

Dans la grange

Les lampes vacillent, projetant des ombres immenses sur les murs décrépits. L’odeur de poussière, de bois humide et de sang séché rend l’air pesant. Taric reste assis sur son banc, le médaillon serré dans sa main tremblante, perdu entre douleur et révélations.

Rhaugilath, les nerfs tendus, croise les bras pour s’empêcher de secouer l’orphelin. La tension dans son corps ne demande qu’à éclater, mais elle se retient — pour une fois. Chaque craquement du plancher, chaque rafale contre les volets branlants la fait sursauter. Elle n’ose pas encore se précipiter, préférant garder sa tête froide. Un piège est toujours possible.

Taric lève les yeux vers elle, encore hébété, puis hoche lentement la tête et se redresse.

Randal, lui, ne reste pas inactif. Sa main se serre sur son symbole sacré et, dans un souffle, il implore la lumière du Dieu Brisé. Une lueur vive jaillit soudain de l’objet qu’il tient, éclairant la grange d’un halo tremblant. Les ombres reculent et la nuit semble moins étouffante. Mais cette clarté révèle aussi l’état nerveux de tous : aucun ne cache vraiment sa crainte.


Dehors

Le cri de guerre d’Ioueseni fend l’air, suivi d’un bruit de lutte.
Dans la clarté nouvelle projetée par Randal, on distingue la scène : la mulane a jailli de l’ombre comme un serpent, crochetant les jambes de la créature qui s’effondre lourdement au sol. Le choc est brutal, un souffle guttural s’échappe de sa gorge.

Déjà, Tamasin surgit, la lance d’Orwen en main. D’un geste ferme, elle bloque le bras de l’intrus avant qu’il ne puisse tirer sa dague. La créature se débat, ses yeux jaunes brillants de rage et d’instinct, mais le bois du manche la cloue contre la terre battue.

Sous la lumière de l’Ilmate, sa silhouette devient claire : un corps nerveux, taillé pour la traque, la peau marquée de cicatrices, et à sa ceinture une sacoche gonflée dont dépasse le coin d’un carnet noirci.

Ioueseni, déjà au-dessus d’elle, garde l’avantage, son poids prêt à briser toute tentative de fuite. Tamasin maintient la pression, la lance menaçante.
La créature gronde, incapable de parler leur langue, mais son regard fauve fixe ses assaillants avec une intelligence farouche.

Le silence n’est brisé que par le souffle rauque de l’intrus et la tension des aventuriers. La proie est piégée, mais reste dangereuse.

Tamasin avait réussi à immobiliser l'intrus et testé ainsi, pour la première fois, la lance d'Orwen. Celle-ci lui avait donné pleine satisfaction. Mais quelle ne fut pas la suprise de la guerrière en découvrant une créature d'un type qu'elle ne connaissait pas et qui semblait incapable de s'exprimer dans une langue qui leur soit intelligible.

Tout en maintenant fermement son arme, elle adressa un regard interrogateur à Ioueseni et Randal.

¤ Elle porte une sacoche et une dague, c'est donc une créature intelligente... ¤ se contenta-t-elle de constater à ce stade.

La lancière finit par briser le bref moment de silence qui s'était établi :

- Jamais vu un être comme celui-là... Mais visiblement, il est armé et sait se battre. L'un de vous se risquerait à saisir sa dague... et le carnet... pendant que je le maintiens en respect ?

Elle ajouta :

- C'est ça ou on l'assome d'un bon coup... A moins que vous ne sachiez comment communiquer avec elle et comment la calmer...

Elle cria à l'intention de ses autres compagnons :

- Rhaugilath, Taric, on a un invité imprévu !

Ioueseni avait déjà senti plus puant, mais il fallait admettre que celui ci était haut dans son classement. Alors qu'elle le maintenait, espérant que plus fort qu'elles viennent aider, elle réfléchissait. Ce n'était pas un gnoll, et même si son corps avait l'air très... primitif, cet être semblait très humanoïde. Se pourrait il qu'il - ou elle - soit victime d'une sorte de malédiction, de long terme ou non, du genre que Seth pouvait infliger à ses ennemis ?

- Les gnolls étaient clairement agressifs. Je crois qu'on a ici quelqu'un qui cherche surtout à récupérer quelque chose qui lui appartient. Ou en tous cas, qu'il ou elle croit posséder. Le carnet. Ne cédons pas à plus de violence au risque de nous faire un ennemi mortel.

Elle commença par demander à Tamasin ou Randal de récupérer la dague de leur adversaire du moment avant de relâcher doucement sa prise. L'idée n'était pas de la laisser s'enfuir - ils étaient de toutes façon suffisamment nombreux pour l'empêcher de partir - mais plutôt d'essayer de communiquer.

Une fois libérée, et si la créature restait calme, elle toucha son plexus en prononçant le diminutif de son prénom :

- Seni.

Ensuite elle le montra en arborant un air calme et interrogatif, tentant d'établir un semblant de communication.

Randal, d'un geste lent et prudent, approcha la lumière de l'étrange humanoïde. Les traits émaciés de la créature, défigurés par la rage, se découpèrent dans la clarté vacillante. Ce ne furent pas ses yeux fauves ou sa peau olivâtre qui le frappèrent en premier, mais ses cicatrices : elles semblaient suivre un motif précis, comme tracés à dessein sur la chair. Le souvenir lui revint de ses Frères de Douleur les plus zélés, qui se scarifiaient pour mieux communier avec le Dieu Martyr. Mais ces entailles-ci étaient différentes, plus sombres, d'une dévotion trouble. Le prêtre songea aux cultes corrompus et aux puissances démoniaques qui se repaissaient de telles pratiques... et son cœur se serra.

- Méfiance, souffla-t-il à Iouseni, l'œil toujours fixé sur leur proie, alors qu'elle relâchait son étreinte.

Il se morigéna en silence : pourquoi n'avait-il pas prié son Bienfaiteur de lui accorder ce jour le don de déceler le mal ? Ce défaut de clairvoyance les mettait en bien mauvaise posture... Pourtant, il lui restait son instinct et la force de sa foi. La créature, ramassée sur elle-même, grognait farouchement. Elle donnait l'impression d'une bête piégée, prête à mordre à tout instant pour arracher sa liberté. L'Imate prit une inspiration, puis tendit lentement son symbole sacré. Les deux mains blanches liées d’un fil écarlate brillaient sous la lumière conjurée. Universellement connues, elles avaient traversé les frontières et les siècles comme signe de compassion et de réconfort.

Dans son regard inquiet pesait une question muette : cet être décrépit, qui semblait un jour avoir été un homme, avait-il encore assez d’humanité pour reconnaître le sceau du Dieu Brisé ?

Randal tente d'évaluer ce qu'éveille le symbole d'Ilmater chez la créature (jet de psychologie). Si tu ne l'as pas tiré directement, je veux bien un jet de connaissance des mystères (et/ou religion) pour identifier la créature et ses cicatrices rituelles.
S'il pressent une réaction positive (soulagement, respect, compassion...) il fait signe à Iouseni ; dans le cas contraire, il range le symbole et subtilise avec précaution la dague.

a soudaine lumière créée par Randal surprit la magicienne et elle crut pendant un instant que la foudre avait frappé la cabane. Une fois ce choc passé, l'absence des ombres la rassurat un peu et elle reprit du poil de la bête. Le bruit de quelque chose, ou plutôt quelqu'un s'écrasant lourdement sur le sol suivit quelques instants plus tard par l'appel de Tamasin furent suffisants pour finir de rassurer Rhaugilath et, après avoir fait signe à Taric de la suivre, elle rejoint le reste de la compagnie.

La créature, ou personne peut-être, qui se trouvait au sol ne semblait pas très amicale, ni décidée à cesser de résister. L'Halruanne n'était pas certaine de quoi il s'agissait mais un rapide regard dans la direction de chacun de ses compagnons lui confirma qu'elle n'était pas la seule. Pas plus qu'elle n'était la seule à ne pas savoir comment communiquer avec leur prisonnier. Elle avait fait suffisamment attention en classe de Divination, ce qui était presque surprenant, pour savoir qu'il s'agissait d'un problème qu'un sort relativement simple pouvait résoudre sans aucune difficultés. Un sort qu'elle avait vu lancer plusieurs fois et qu'elle avait même réussi à utiliser elle-même, après de multiples échecs. Mais un sort qu'elle ne maitrisait pas et qui ne figurait pas dans son grimoire. Il s'agissait aussi d'un sort que les rats de bibliothèques, une insulte particulièrement piquante venant de magiciens, avaient tendance à maitriser. Taric avait démontré d'impressionantes capacités à survivre en-dehors des murs d'une bibliothèque mais, étant donné où ils s'étaient rencontrés, il y avait des chances qu'il soit plus adepte de ce genre de magie.

-Taric, est-ce que vous seriez capable de lancer un sort vous permettant de communiquer avec notre visiteur? Seni, Rhaugilath ne put s'empêcher de sourire en prononçant le diminutif votre approche est admirable mais elle risque de prendre un certain temps avant que nous puissions vraiment discuter.

Une idée, probablement saugrenue, lui vint à l'esprit et elle se dirigea, tout en essayant de garder un oeil sur l'étranger, vers Ioueseni. Elle voulait lui chuchoter quelque chose à l'oreille mais elle ne voulait pas que Taric entende car elle craignait d'aggraver encore son état mental.

-Si c'est quelqu'un qui veut récupérer quelque chose ici qui lui appartient, est-ce que vous pensez que c'est Orwen? Il pourrait avoir été la victime d'un sort ou d'un rituel qui a mal fini, non?