Chapitre II : Nouvelles têtes

Fin de Mirtul 1373, Année des Dragons Renégats
Les Marches d'Argent
Porte de la Lande, entrée ouest de Lunargent

La piste qui reliait Haute-Garde à Lunargent, peu empruntée mais fort praticable, longeait plus ou moins la Rauvin. C'était une route sûre en raison de sa proximité avec le Joyau du Nord et plus encore avec Garderauvin, l'imposant fort de la Légion d'Argent (sis à une vingtaine de lieues de la ville). S'il n'était pas rare de croiser une patrouille ou une escouade en exercice dans la lande, les voyageurs ne rencontrèrent sur leur chemin que quelques colporteurs ou marchands qui n'avaient rien de mieux à échanger que des banalités sur la météo et les affaires. Aucun n'avait entendu parler, ne serait-ce que de nom, de Gum Lameluisante...

Le vague à l'âme qui avait pesé à chacun des aventuriers, aussi longtemps qu'ils avaient séjourné chez Malcer Lindigent, ne les avait pas abandonnés. Certes la sensation lugubre qui les accablait semblait plus légère hors du manoir dans lequel ils s'étaient tenus cloîtrés, mais elle n'en demeurait pas moins tenace, leur rappelant s'il en était besoin combien la relique uthgardte était pernicieuse. Les nuits de Raugilath étaient toujours traversées de cauchemars ; ses compagnons nain et elfe semblaient mieux résister aux maléfices tapis dans le masque.

Ce fut au bout de trois jours de marche qu'ils virent, peu après avoir laissé derrière eux Garderauvin, se dessiner au loin les formidables murailles de Lunargent, elles-mêmes dépassées par les immenses arbres qu'elles abritaient. Vu de loin, il semblait y avoir foule à la porte de la Lande : l'entrée était noire de monde, une foule compacte d'une cinquantaine d'individus s'y massant. Un peu à l'écart, à plusieurs centaines de mètres de l'enceinte, un petit village de tentes de toile était dressé sans ordre. En s'approchant, les voyageurs remarquèrent que quelques cavaliers en livrées d'argent étaient postés non loin du camp de fortune. Quelques cris, de temps à autres, s'élevaient depuis la porte de la ville.

Étant donné qu'ils étaient tous embarqué dans la même galère, Locredar avait fait son possible pour rendre le voyage agréable durant ces 3 jours de marches. Il ne pouvait pas vraiment dire s'il pouvait considérer ses compagnons de voyage comme des amis mais le fait est que le nain les appréciait et il ne manquait pas de le faire sentir.

Avec une attention particulière envers Raugilath qui semblait être encore bien affecté par la maudite relique.

En voyant les portes de Lunargent noir de monde, le nain ne put s’empêché de s'exclamer :

- Mais c'est quoi ce bazar ?! La ville est fermé ou quoi ?! Heureusement que Malcer nous as écrit cette lettre d'introduction, cela va peu être simplifier les choses.

Locredar analysa la situation : il semblerait que bon nombres de personnes se voient refuser l'entrée de la ville et si la lettre leur permettait d'entrer, certaines personnes pourraient peut-être déclencher une émeute.
Repensant à la relique Uthgardt et ses pouvoirs, il fit une réflexion à ses compagnons :

- J’espère que les pouvoirs du masque n'auront pas d'effet au milieu de ce bain de foules.. Surtout que l'ambiance à l'air délicate .. Est ce qu'on attendrait pas un horaire plus propice ?

e n'était pas peu dire que le voyage jusqu'à Lunargent n'avait pas satisfait les attentes de Rhaugilath. Pour commencer, ses cauchemars ne semblaient pas vouloir s'estomper et, bien qu'elle sache que le masque était la source de ces songes troublés et troublants, elle ne pouvait s'empêcher de se montrer paranoïaque, ce qu'elle attribuait avec moins de preuve aussi au masque, et de craindre qu'elle ne soit sous l'effet d'un sort du vieux Rhaugilath ou de l'un de ses disciples.

Cela dit, ses nuits agitées n'étaient pas le seul problème de la jeune magicienne. Plusieurs jours de marche ne semblaient pas affreux sur le papier mais elle comprenait maintenant pourquoi tant de sorts différents permettant de voyager rapidement et sans fatigue avaient été inventés. Marcher était long et ennuyeux au possible. Ses compagnons faisaient de leur mieux et elle leur en était reconnaissante, même si elle se gardait bien de le dire ou de le montrer trop, et le paysage était impressionnant mais pas suffisamment pour la distraire pendant si longtemps. Et elle avait mal au pieds. Et aux jambes. Et aux bras, pour une raison inconnue. Et probablement à tous ses autres muscles. Où était un palanquin quand on en avait besoin?

Elle aurait pu pleurer de joie, et aussi de douleur à cause de ses pauvres pieds, quand les murs de Lunargent se montrèrent. Elle aurait pu pleurer de rage, et toujours de douleur, quand elle vit la situation devant la porte qui risquait de les empêcher de rejoindre une auberge, un repas chaud et un lit aussi tôt qu'elle le souhaitait et, clairement, méritait. Mais elle retint ses larmes et une exclamation moins polie que celle de Locredar qui semblait partager son mécontentement. Elle ne partageait, par contre, pas du tout son inclination à se montrer patient.

-S'ils ont sortit les tentes, c'est qu'ils ne pensent pas pouvoir entrer avant la nuit donc c'est moins un horaire et plus un calendrier plus propice qu'il nous faudrait attendre. Personellement, je n'ai pas envie d'attendre le dégel ou le regel. Les cavaliers doivent avoir une idée de ce qui bloque et je comptes bien aller leur demander. Ce n'est probablement pas idiot de garder le masque à distance, par contre.

Sur ce, elle se dirigea vers le garde le plus proche, prête à crier si l'intensité de son regard et de son pas n'était pas suffisante pour attirer son attention. Il semblait probable qu'elle ne soit pas la première à se demander ce qui se passait et elle s'attendait donc à ce que le cavalier lui donne la réponse qu'elle souhaitait sans qu'elle ait besoin de poser la moindre question. Elle se prépara toutefois à sourire au cas où cela aiderait à graisser les rouages de l'administration locale.

Le voyage ne fut pas des plus reposant, Abakor voyageait la plupart du temps à pied avec ses compagnons. Il gardait Amarah à la longe quand il discutait avec Locredar et Rhaugilath. De temps en temps, il chevauchait à l’avant pour s’assurer qu’aucune surprise viendrait ralentir leur voyage. Locredar était un joyeux compagnon qui essayait de rendre le voyage plus agréable malgré la présence du masque qui leur donnait toujours un certain mal-être à sa proximité.

Les seules personnes à prendre cette route étaient des marchands. Ils ne trouvèrent aucune info sur le fameux Gum Lameluisante et espérait trouver quelqu’un pour s’occuper du masque. Abakor devait bien ça à la petite famille de Malcer Lindigent.

Arrivé en vue de Lunargent, Abakor aperçut une foule qui se formait à l’entrée de la ville.

- Raugilath à raison, il ne faut pas attendre. Essayons de voir ce qui se passe déjà.

Abakor tirant Amarah suivit la jeune magicienne. En avançant, il regarda plus attentivement les gens qui les entouraient. Il n’était jamais très bien à l’abord des villes depuis qu’il était un rodeur.