C’était à désespérer. Depuis qu’elle avait quitté les sentiers qu’elle connaissait, Euskara avait eu le sentiment de s’enfoncer dans un ailleurs que non seulement elle ne connaissait pas, mais qu’elle ne comprenait pas. Partir au loin avait d’abord éveillé en elle le goût de l’aventure et de la découverte mais si cet aspect n’avait pas disparue, il était à présent recouvert de dimensions bien moins réjouissantes et la pire de toutes était sans doute qu’elle avait dû ouvrir les yeux sur une profondeur de l’univers qu’elle ne soupçonnait même pas et dont les horreurs qu’il contenait était sans nom, la renvoyant encore davantage à sa fragilité.
Voilà qu’à présent elle explorait des galeries contenant des dangers innommables et dont l’antiquité était telle qu’elle se perdait dans la nuit des temps, qu’on lui expliquait qu’agissait ici des forces dont il y a encore si peu de temps, elle n’imaginait même pas qu’elles puissent exister. Une éternité. Une autre vie. Une candeur dont elle se demandait s’il lui serait possible de la retrouver un jour.
Elle se trouvait à présent devant une nouvelle marche, un nouvel horizon à la frontière du compréhensible. Qu’on lui évoque la possibilité de rester sous l’eau plus longtemps que le temps où elle pourrait retenir sa respiration lui apparaissait comme si l’on demandait à un oiseau de se servir de ses deux mains pour allumer un feu. Cela en aurait été risible si la situation n’avait pas été celle qu’ils connaissaient et puis surtout, tous ceux autour d’elle, évoquait ce fait comme une évidence et donc comme si c’est elle qui se trompait en pensant qu’ils déliraient.
Pourtant le pire pour Euskara n’était pas là. Non, le pire était que Sylvanôr après avoir fait un inventaire d’objets aux capacités tout simplement extraordinaires, venait de dire qu’ils possédaient des pouvoirs comme s’il s’agissait là d’une banalité et, pire encore, qu’à présent il la regardait comme s’il était évident pour lui qu’elle allait compléter la liste. Elle bafouilla.
- euh, euh, pour aller sous l’eau j’ai rien et et avec mes habits et puis le sac que j’ai sur le dos, jamais j’pourrai nager ou même avancer.
Elle le regarda encore plus intensément.
- Et puis vos trucs là, moi j’sais pas faire tout çà
Elle resta un instant en silence, semblant se remémorer.
- Une fois je crois, y’avait une espèce de gros loup et c’est comme si les plantes lui avait bloqué le passage et puis vous vous rappelez la fois où j’ai crié et il y a une lumière qui est venue de je sais pas où.
Elle resta alors silencieuse.