Année des Dragons Renégats - 1373, 20 d'Éléasis, Monguldarath, Téthyr

Enfin équipé et prêt au départ, le petit groupe put se mettre en marche en direction du Nord, suivant, dans un premier temps, la vieille route de Velmene jusqu'aux lisières de la forêt. Là, une piste partait vers le Nord-Est et rejoignait la bay de Tarseth, chemin qui leur avait été indiqué comme étant un itinéraire probable des esclavagistes.

En tête de colonne, Iskender prenait son rôle d'éclaireur très au sérieux. Prenant le temps de descendre régulièrement de cheval pour examiner le sol, il trouva sans peine les traces d'un convoi qui les précédait - herbes foulée, branches cassées, ornières encore boueuses - et en déduisit rapidement que ce dernier progressait très lentement, bien plus lentement qu'eux en tout cas. En se hâtant vraiment, ils pourraient très certainement le rattraper avant qu'il n'atteigne la côte mais était-ce vraiment souhaitable car augmenter le rythme de leur progression se ferait nécessairement au dépend de la sécurité.

Avec l'aide de Murdock qui se révélait parfaitement à l'aise à évoluer en forêt, ils purent également noter des empreintes de bêtes sauvages, assez profondément marquées dans la terre, se déplaçant parallèlement à la piste qu'ils suivaient.

La nuit arrivant, il était temps de dresser un rapide bivouac, au grand soulagement de Jafert et de Falrin. L'équitation n'était vraiment pas le point fort des moins grands des "Pas Grands" et les courbatures se faisaient nettement ressentir en fin de journée. Conscients qu'il leur faudrait certainement accélérer le rythme de leur progression, les deux compères ressentaient de l'inquiétude à cette idée, inquiétude davantage motivée par l'état de leur postérieur que par la perspective de faire une mauvaise rencontre.

Je vous place au Nord de Tulmene, dans la forêt. D'après les traces que vous avez découvertes, un convoi est bien passé avant vous, voila une petite semaine. Connaissant la géographie des lieux (je vous avez posté une carte de la région) et estimant vos vitesses de déplacement réciproques, vous en avait déduit qu'il était possible, en forçant nettement l'allure, de rattraper, à coup sûr, ce convoi avant qu'il n'arrive à destination.

La première chose à faire, suite à la discussion avec Finsire, était de rattraper la caravane d’esclaves. Celle-ci avait une semaine d’avance mais, avec les chevaux fournis, le retard pouvait être comblé.
Une discussion s’éleva entre Falrin et Iskender : le premier voulait rejoindre la caravane en allant le plus vite possible au mépris du danger tandis que le second préférait une allure moins rapide mais aussi moins risquée.
Iskender essaya de modérer les ardeurs de son compagnon :

- Falrin, foncer tête baissé sur les pistes de la forêt n’est pas la meilleure solution : je connais mieux les forêts que toi et je sais que des dangers mortels peuvent nous guetter.
Je sais que tu es courageux et tu l’as déjà montré dans des combats, mais il y a une grande différence entre courage et imprudence. Tu pourras de nouveau montrer ton courage lorsqu’on rencontrera les esclavagistes, mais il vaut mieux arriver en face d’eux en bon état plutôt que blessé et fatigué... si, bien sûr, nous arrivons à franchir tous les obstacles qui, je n’en doute pas, seront d’autant plus nombreux que nous prendrons moins de précaution.
Et puis, il suffirait que ton cheval fasse un écart imprévu et important devant un danger pour que tu risques de te retrouver, avec un peu de malchance, désarçonné et donc en mauvaise posture.
De plus, mes chiens auront du mal à soutenir l’allure et ne seront plus d’aucune utilité.»

Connaissant l’entêtement du nain, Iskender comptait plutôt sur le reste du groupe pour que celui-ci adopte une position plus raisonnable.

À l’invitation de Finsire, le prêtre-nain alla jeter un coup d'œil à l’arsenal. Néanmoins il ne cherchait pas d’armes, mais plutôt du petit matériel comme un pied de biche, des gants ou des chausses-trappes. Ces petits accessoires ont toujours leur utilité. La solde proposée était correcte, et à vrai dire, Falrin qui avait été paysan-bûcheron dans sa vie d’antan n’avait jamais été aussi riche qu’après cette proposition. Il ne dit mot mais accepta poliment la proposition. Pour ce qui est de la monture, le nain chercha une bête dressée à sa taille : poney, bélier ou autre. L’important était de garder l‘avantage d’une charge puissante avec laquelle il pouvait frapper proche du sol.

Pendant la préparation, Falrin proposa au compagnons d’aller chercher quelques rations de nourritures qui ne craignent pas le voyage : fruit sec, charcuteries sèches, fromages, etc. ainsi qu’une bonne outre de bière pour les soirées et les tours de gardes.

Comme à son habitude, l’application d’Iskender à sa tâche d’éclaireur était bonne. Il aimait sûrement la solitude de l’avant-poste, l’odeur de la végétation avec en trame de fond l’enjeu de la mission.

Après la première journée de chevauchade, Falrin proposa à Jafert une rasade de cette fameuse cervoise qu’il s’était procuré avant le voyage. Voilà qui requiquerait, à défaut d’avoir pu trouver une bouteille de requinquin ou de pouvoir se faire masser le postérieur.

Alors qu’Iskender lui faisait comme à son habitude l’étalage de sa prudence, le nain rétorqua :
- J’vous trouve bien presomptueux maître rôdeur. J’ai 6 fois plus de vécu qu’vous et j’étais bûcheron fut un temps. La forêt, croyez-moi, j’l’ai bien cotoyée. Nous sommes sur leurs traces, soit on fonce à leur rescousse, soit on tergiverser. Mais dites-le donc, s’avez peur ou quoi ? Vot’ ch’val aussi pourrait faire un écart imprévu, c’est quoi ces manières d’parler d’malheur avec des ‘si’ ?

Jafert était resté bien silencieux pendant cette première journée de chevauché, il se demandait s’ils allaient réellement réussir à rattraper un convoi qui avait une semaine d’avance. Et ce fut avec plaisir qu’il accepta la chopine offerte par son compagnon toujours d’humeur à faire la fête et à aller au-devant du danger.

- La bonne affaire, voilà de quoi j’avais besoin. La bière était chaude mais le gout houblonné coupait bien la soif.

- Nous voilà au solde de la milice à poursuivre des esclavagistes dans la poussière. Je ne me serais jamais vu comme un lancier de la cavala. Il dit ça avec une pointe de déception, lui qui n’avait eu toute sa vie que mépris pour les représentants de l’ordre.

Jafert mourrait d’envie de demander à Kald ce qu’il avait appris lors de son escapade. Le magicien sentait que c’était un sujet sensible et ne préférait pas aborder le sujet en présence des autres membres du groupe.
¤ Si l’ensorceleur tire son épingle du jeu, il faut que je m’en extirpe en même temps. Pas question de mourir au service d’un conte du Thétyr, qu’il aurait été Amnien aurait été pareil. ¤

Jafert préparait sa couche en silence après avoir resserré ses bandages, ses blessures étaient presque cicatrisées.

Murdock comme convenu fermait la marche et assurerait l'arrière garde du groupe. Il mettait tout ses sens en éveil pour éviter toute mauvaise surprise et surtout pour s'assurer qu'ils n'étaient pas suivi par des individus indésirables. Il ne faudrait pas qu'ils se fassent surprendre alors qu'ils comptaient bien surprendre les esclavagistes.

Machinalement, Murdock flattait sa monture et tentait de se familiariser avec elle. Il était important que le cavalier et sa monture ne fasse qu'un lui rappelait son instructeur à Proskur. Quoiqu'il en soit, il avait récupéré une monture agréable et qui acceptait bien ces demandes et ces ordres. Avec le temps il pourrait peut être en faire une véritable monture pour un paladin.

Lorsqu'il rejoignait ses compagnons, il notait que chacun vaquait à ses occupations et organisait de manière surprenante le campement pour la nuit. Il y avait, à la fois, un mélange d'ordre et de désordre qui ne cessait de le surprendre depuis qu'il avait intégré la compagnie.

Il repérait rapidement l'endroit le plus propice à protéger sa monture pour la nuit et il défaisait les fontes et la selle pour étriller un peu son cheval avant de le laisser paître l'herbe des environs. Il installa sa paillasse à proximité et après avoir vérifier son équipement et son état, il se tourna vers ces compagnons de voyage et d'aventures.

- Passons une bonne nuit et rejoignons le plus vite possible la caravane d'esclavagiste sans mettre notre sécurité en danger. Je vais prendre le premier tour de garde si vous le voulez. Nous devons être prêt pour affronter nos adversaires et secourir les malheureux qui sont tombés entre leurs mains. J'imagine que nos jeteurs de sorts peuvent améliorer éventuellement la sécurité de notre campement avec des sorts d'alerte ou de protection.

/ HRP
Avec mes compétences équitations et dressage, est ce que je peux apprendre quelques trucs au cheval ou au moins faire en sorte qu'il ne soit pas effrayé en cas de combat.

Etrangement, Kald ne s'était pas mêlé de la dispute entre Iskender et Falrin. Le sort des esclaves lui était-il indifférent ? Ou était-il lassé des incessantes chicanes qui précédaient la moindre de leurs actions ? Peu à son aise sur un cheval, il était resté taciturne pendant la chevauchée, comme plongé dans ses pensées.

Le seul événement qui avait éveillé son intérêt dans cette morne journée de voyage était la découverte d'empreintes le long de la piste. Si un rapide examen avait permis de reconnaître des bêtes sauvages, le Sossrim demeurait sceptique : du gibier aurait fui la présence humaine, tandis que des prédateurs seraient passés à l'attaque. La profondeur des traces laissait imaginer de gros animaux... Se pouvait-il qu'ils fassent partie du convoi ?

- Ces traces de bêtes... interrogea-t-il Iskender, l'homme des bois, c'est étrange, non ? On dirait qu'elles suivent les esclavagistes, ou qu'elles les accompagnent. Vous reconnaissez ces animaux ?

Peut-être s'inquiétait-il pour rien, mais il valait mieux dissiper ses soupçons que s'endormir dessus.

Le moment venu de desseller les chevaux, l'ensorceleur imita les gestes de Murdock avec la maladresse de ceux qui manquent d'expérience. Il installa sa couche avec plus de rapidité et d'aisance, les nuits à la belle étoile lui étant plus familières que les basses besognes d'un palefrenier. Vint la sempiternelle question des tours de garde et de la protection du camp ; Murdock avait pris les devants.

- Vous imaginez mal, répondit-il avec son habituelle froideur, un demi-sourire aux lèvres dont on aurait eu du mal à dire s'il se voulait moqueur ou plaisantin. Mais qu'a-t-on à craindre sous l'égide d'un paladin du Brave ?

Entre la prudence du Shou et la fougue du nain, les discussions allèrent bon train sur la façon de suivre la piste des esclavagistes. Et, comme souvent dans ce genre de situation, un compromis boiteux fut trouver : on irait le plus vite possible mais tout en restant prudent, ce qui, concrètement, ne signifiait rien.

Une fois engagés en forêt, les aventuriers avaient rapidement pris conscience qu'ils ne pourraient pas passer au trot, en raison des mauvaises ornières qui pourraient faire trébucher leurs montures et qu'il faudrait se contenter d'avancer au pas, allure qui serait de toute façon plus rapide que celle de leur "cible", contrainte de désembourber parfois ses charriots lourdement chargés.

Interrogé sur la nature des empreintes de bêtes qui paraissaient escorter la piste, Iskender put déterminer, avec une quasi-certitude, qu'il s'agissait des traces d'un couple de félins, certainement des léopards, qui ne s'éloignaient jamais beaucoup, semblant rester à proximité du convoi qui les précédait.

Tout en chevauchant, Murdock avait tenté d'apprendre quelques tours à sa monture, sans grand résultat. Un dressage de ce genre nécessitait des semaines d'apprentissage et là, le temps leur était vraiment compté. Néanmoins, les chevaux que leur avait confiés le guet étaient de braves bêtes, partiellement accoutumées au combat. En cas de coup dur, elles ne paniqueraient pas facilement, à condition que leur cavalier fasse preuve d'un minimum d'habileté.



Après deux nouvelles journées de chevauchée, même s'ils se rapprochaient nettement de leur cible, il devint évident qu'ils ne rattraperaient jamais le convoi en maintenant cette allure. Afin de se prémunir du moindre risque, Iskender imposait un arrêt tous les quart de mile afin de vérifier qu'aucun piège ne les attendait. Ces haltes fréquentes exaspéraient Falrin d'autant que la conclusion était toujours la même : "Rien à signaler". Si on avait écouté le nain, nul doute que leur groupe aurait déjà rejoint les esclavagistes et libéré leurs prisonniers. Du moins était-ce l'avis du prêtre d'Haela et rien n'aurait pu l'en faire démordre.

Quoique... La prudence du rôdeur était peu être fondée. Là, gisant sur le bas côté, se trouvait le cadavre d'un homme, en était de décomposition avancée. Surmontant sa répugnance, Iskender s'accroupit et détermina que la mort, remontant à environ deux dizaines, était l'œuvre d'une bête sauvage, à en juger par les profondes lacérations visibles sur le torse de la victime. Troublé, tout en se massant le postérieur bien endolori par la chevauchée, Falrin fit remarquer à ses compagnons que, deux dizaines en arrière, cela correspondant à la "Longue Nuit", date de festivités pour, entre autre l'église de Lathandre, mais également date d'une des grandes chasses des Malarites.

Alors qu'il restait encore quelques heures de jour, les autres cavaliers durent bien reconnaître qu'ils ne se sentaient pas particulièrement en forme. Monter là un bivouac leur permettrait, sans aucun doute, de retrouver quelques forces, mais risquaient de briser définitivement toute chance de rattraper le convoi avant que ce dernier n'atteigne la côte.

Les récriminations du nain étaient un peu fatigantes et il semblait bien que ni Jafert ni Kald ne fut sensible au danger d’une progression très rapide.
La prudence qui exaspérait tant Falrin n’était peut-être plus de mise si on voulait rejoindre le groupe poursuivi assez rapidement.
Aussi Iskender était prêt à laisser le nain agir à sa guise : celui-ci avait –semble-t-il- une aussi bonne connaissance de la forêt que celle du rôdeur (puisqu’il avait été bucheron). De plus, il était volontaire pour se mettre en tête, toujours prêt à en découdre, et d’ailleurs de taille à affronter n’importe quel danger.
De plus, lors de la première journée de chevauchée, le nain avait bien démontré ses capacités équestres, malgré son fondement en compote comme presque toute la compagnie.
Pour le reste de la poursuite, Iskender et ses chiens resteraient en arrière avec le gros de la troupe, car, à la vitesse à laquelle Falrin voulait voyager, ses chiens n’étaient d’aucune utilité et, de toute façon, ils n’obéissaient qu’à lui.
En attendant, il valait mieux se reposer, après deux jours de chevauchée harassante.
Cependant, quoique très fatigué, Iskender était prêt à suivre ses compagnons s’ils voulaient continuer la poursuite.
S’ils préféraient monter un bivouac, même court, il était prêt à prendre le premier tour de garde.

L’arrière train endolori mais la volonté toujours aussi forte le nain était prêt à sacrifier son bien-être pour sa cause. Son fessier l’avait cloué sur ses jambes ou sur son ventre pendant les moments de pause et il en profitait également pour faire quelques étirements de son dos, qui lui aussi peinait, et pour faire quelques dévotions à Haela. Il flairait le combat approchant.

Malgré les réserves d’Iskender, Murdock et Jafert semblaient partisan d’une accélération du tempo, à l’instar du prêtre nain. Ni une, ni deux, Falrin prit la tête du groupe et décida d’accélérer le pas. Il adressa une prière à Haela pour lui offrir protection face aux périls et surtout de lui offrir des combats loyaux quand ceux-ci arriveraient. Il invita Murdock à joindre sa prière à la sienne auprès de son propre patron.

- R’voilà encore une trace de ces satanés Malarites et des dieux de la furie. J’vous dis moi qu’ça sent pas bon votre truc ! Si des Lycantrhopes rodes dans les parages, on ferait mieux d’se magner encore plus l’arrière train ! J’crois qu’ils n’aiment pas bien les gens d’not’ type.

Kald ne s’était pas trop prononcé jusqu’alors, mais la solde proposée par Finsire semblait satisfaire ses motivations transactionnelles. Le nain espérait que ce précieux allié en resterait là dessus. Pour une fois que le groupe semblait avoir un but commun et prit une décision du cœur, bien que coûteuse pour leurs postérieurs.

À l'approche du dilemme de poursuivre ou de bivouaquer, fidèle à lui-même, le nain proposa de poursuivre quelques heures. Voilà qui leur permettrait de gagner encore un temps plus que précieux dans leur (en)quête.

Enfin une pause, Jafert soufflait presque autant que son cheval. Pour une fois les discussions ne durent pas si longtemps, l'urgence primait dans cette situation. Les prières de Murdock et du nain eurent un effet plutôt apaisant, c'était toujours ça de prit.

- La bonne affaire, je n’aurai jamais pensé ça de vous, des grands aventuriers fatigués par une petite chevauché. Jafert taquinait ses compagnons pour faire oublier sa propre douleur à son postérieur.

L’instant d’après Falrin prenait la tête du convoi alors que chacun battait à son tour, les reines sur les flancs de leur canaçon respectif. Les pauvres animaux allaient mettre du temps à se remettre de cette course poursuite. Le magicien regardait avec tristesse la douillette et reposante clairière qui disparaissait derrière eux. L’avenir présageait le pire : peut être même un combat avec les forces esclavagistes ou pire avec des lycanthropes, cela avait quelque chose d’effrayant.