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> Prologue (Daren Bleth) : La Dame de la Tour
  écrit le : Samedi 11 Octobre 2025 à 11h00 par Phineas
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Port-Ponant
Temps frais
Matin


Enfin ! Enfin on reconnaissait sa vraie valeur ! Enfin il n'était plus que le
modeste messager, l'insignifiant porteur dont on se servait pour brouiller les pistes ! On lui avait confié le rôle d'être un agent de liaison.

Le jour précédent, il avait été convoqué au manoir des Bleth, à l'extérieur de la ville, au sud. Malgré son appartenance à la famille, il en était tenu relativement loin. Loin d'être suffisamment important pour que la famille ait réellement un intérêt pour lui. Son nom lui avait de temps à autre apporté quelques avantages mais la plupart du temps, plus d'ennuis qu'autre chose.

Ce n'est pas Antemnar Bleth, l'Irascible Crapaud comme certains l'appelaient, qui l'avait convoqué. Et il en avait été soulagé en vérité. Le Patriarche était, du peu qu'il en savait, un individu aussi dangereux qu'insupportable. Mais, en vérité, le nom rédigé sur la missive l'avait tout aussi effrayé : Haraklaera, tante du premier, et matriarche de la famille. D'aucuns disaient qu'elle était le vrai cerveau, et le vrai danger des Bleth.

La famille allait relativement bien. D'autant plus si l'on le compare au quotidien du commun de la ville (duquel Daren n'était pas, bien entendu). Elle était très loin néanmoins de s'être reconstruit comme avaient réussi à le faire les Cormaeril. Daren n'avait jamais eu de contact direct avec eux mais il savait que l'autre ancienne famille cormyrienne était parvenue à être immensément plus riche que les Bleth.

Son entretien avec Haraklaera avait été assez rapide. Elle l'avait accueilli avec une étrange chaleur, lui proposant liqueur fine et madeleines. Elle s'était intéressée à lui et lui avait révélé que les Bleth cherchaient à réintégrer certains des membres lointains de la famille qui s'étaient révélés prometteurs. Âgée et malade du même mal qui avait récemment emporté son frère et sa belle-sœur, Haraklaera ressemblait à un cadavre ambulant. Pour autant, son esprit semblait excessivement affûté. Pour prouver sa valeur, elle lui avait confié une mission. Il devait aller rencontrer Ivandra Vilneth. Il n'avait jamais entendu parler d'Ivandra, pourtant, elle semblait avoir une certaine importance. De ce qu'il en avait compris, elle était à la fois la gérante d'une revue sur le port et une courtière de talent. Fait important, jusqu'ici, elle ne recevait jamais personne, donc son visage et ses liens étaient inconnus. Pour la première fois, elle allait recevoir quelqu'un des Bleth mais elle avait insisté pour que la personne envoyée ne soit pas du cercle rapproché de la famille. La doyenne fut très claire avec Daren : il s'agissait là d'une tactique à peine dissimulée pour voir à quel point la famille avait confiance dans ses membres. Elle essaierait certainement de le manipuler en sa faveur et Haraklaera espérait que Daren en conclurait ce qu'il fallait en conclure.

Il était ressorti des appartements de la matriarche avec une mission et une note à l'attention du propriétaire du Corbeau Magnifique, un tailleur de la ville, pour que Daren puisse s'habiller correctement. En allant vers la sortie, le jeune aristocrate avait croisé Crolundar, l'héritier de la famille. Le jeune homme blond et musclé qui, il le savait, était aussi bon bretteur que séducteur l'avait salué comme un cousin retrouvé. Visiblement, il savait où il allait et lui avait dit que la légende disait qu'Ivandra était une femme particulièrement séduisante. Il serait des plus intéressés de savoir si la légende était vraie.

La nuit avait passé, peut-être avec des célébrations, et puis, le matin était venu. Le rendez-vous était fixé en fin de journée, à la Lune Courtoise, la revue d'Ivandra. Daren avait quelques heures pour se remettre si c'était nécessaire et… peut-être également pour se trouver une nouvelle tenue.



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écrit le : Samedi 11 Octobre 2025 à 21h26 par La Goualeuse
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Affalé dans un fauteuil élimé, Daren contemplait les reflets ambrés du vin qu’il faisait danser dans son verre. L’heure était grave, bien trop grave pour lésiner : il s’était servi le meilleur cru de sa modeste cave. On ne l’y reprendrait plus, s’était-il juré, plus jamais... Pourtant, la simple vue du pli qu’on lui adressait l’avait grisé, et l’examen du sceau avait fait frémir d’orgueil son cœur depuis longtemps tiédi par l’ennui.

- Haraklaera, tout de même... murmura-t-il, mi-incrédule, mi-vaniteux, comme si faire résonner ses doutes suffisait à les trancher. Il porta lentement le verre à ses lèvres, d’un geste théâtral, presque tragique, puis savoura une gorgée. Le Crapaud, c’était tout vu. Mais cette viei... vénérable Chouette, c’est du haut vol.

Un sourire étira ses lèvres - applaudissement muet. Même s’il avait quitté depuis longtemps les salons mondains, son esprit n’avait rien perdu de son brio. La matriarche l’avait-elle deviné ? La rumeur voulait que rien ne lui échappe, ou plutôt que rien ne lui échappe vivant. Il déglutit, comprenant qu’il n’avait pas le choix : une offre se déclinait, pas une convocation...



Le fils Bleth avait quitté Port-Ponant le cœur gonflé de craintes, échafaudant en esprit des drames toujours plus sombres à mesure qu’il traversait les faubourgs. Il n'avait pas eu le courage de fuir, seulement celui qu’inspire les ordres déguisés en honneur. Le lustre de sa tenue d’apparat, exhumée de ses coffres pour l’occasion, offrait contre de telles ruminations une armure tout à fait dérisoire. Elles furent vite oubliées ! Le ton délicieusement obséquieux des domestiques, le moelleux des riches tapis et le goût fondant des madeleines agirent comme un véritable baume. Assis face à son aïeule, dans un tête-à-tête qui l’honorait tout autant que ses affables confidences, il caressait tendrement sa chevalière, acquiesçant avec déférence, affectant une intense concentration. A l’intérieur, il n’était que béatitude.

Elle reconnaissait sa valeur ! Elle lui accordait sa confiance ! Hors du cercle rapproché de la famille, c’était à lui que leur doyenne avait pensé. Et à la réflexion, pouvait-on mieux choisir ? Son entregent, d’une extrémité à l’autre de la Mare aux Dragons, avait toujours marqué les esprits. Quant à son succès auprès de la gent féminine... il serait bien bourgeois d’en faire étalage ici ; mais cela était entré en compte, à l’évidence.

Ivandra Vilneth, des consonnances obscurément exotiques, qui lui rappelaient les rares noms drows qu’il avait entendus... La douceur sucrée qu’il mâchait, l'espace d’un instant, se fit amère ; il n’en laissa rien paraître. Que l’on n'ait jamais vu le visage de la mystérieuse courtière ne faisait que confirmer ses soupçons. Il accusa le coup avec une gorgée de liqueur, avalée dans un sourire. Peu importait, se convainquit-il aussitôt, que le marchepied vers la gloire fût glissant : homme avisé, il maniait mieux les mots que la lame, et savait pouvoir compter sur sa chance. On lui donna congé, il assura sa bienfaitrice de son succès prochain ; l’affaire était entendue.

La note à l’attention du tailleur, qu’il tenait comme un trophée, lui brûlait pourtant le bout des doigts. Il s’était d’abord réjoui, bien sûr ; les vêtements étaient pour ainsi dire un point faible pour cet homme au goût exquis... Cependant, un doute l’avait vite assailli, comme une tâche vient gâter la soie : sa mise n’était-elle pas appropriée ? Certes, ses habits n'étaient pas de la dernière mode, mais Port-Ponant n'avait jamais brillé par son goût. Entre gens de bonne famille, il ne pouvait être question de salaire. Ce présent se voulait donc un dédommagement pour son temps, l’expression d’une forme de gratitude, ou même mieux, un gage de confiance. En joie, il rendit un sourire connivent à Crolundar bien qu’il le connût à peine :


- Je ne vous ferai aucun secret, cher cousin.

Daren avait le cœur plus léger sur le chemin du retour. Dame Fortune lui souriait : sa cible était une beauté. Il aurait le plaisir de joindre l’utile à l’agréable, mais n’en demeurerait pas moins méfiant. Il était bien placé pour savoir que la lune, aussi courtoise qu’elle pouvait paraître, avait deux faces.



La soirée s’était écoulée comme les autres : un peu de vin, beaucoup de vantardises et une solitude débordante de pensées. Des rêves de grandeur avaient bercé son sommeil, agité, anxieux. Il avait placé sa dague à son chevet, on n’était jamais trop prudent...

Le lendemain, sa barbe fraîchement taillée et ses bottes lustrées, il affrontait la fraîcheur matinale des rues marchandes. Pour ne pas paraître chiche au tailleur, il avait préféré son pourpoint brodé à ses chainses, mis ses gants et sa cape de soie. Aucun bijou ne signalait son appartenance à la famille Bleth, il y avait pris garde.



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écrit le : Dimanche 12 Octobre 2025 à 21h42 par Phineas
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Le tailleur l'avait accueilli de manière affable. Et ce d'autant plus lorsqu'il lui avait présenté la note de la Matriarche. Il lui proposa un ensemble des plus élégants, à la mode. La note, apparemment, donnait l'objet de la mission de Daren puisqu'il l'informa qu'en effet, lui non plus n'avait jamais posé les yeux sur Ivandra, alors même qu'il avait parfois habillé ses danseuses.

Finoan – le tailleur, donc – était un sambien visiblement habitué à travailler avec la noblesse ou la grande bourgeoisie marchande de Port-Ponant. Il babillait pendant qu'il ajustait la tunique de laine bleue qui venait sous le gilet. Entre les quelques bavardages, il avait appris que la Lune Courtoise était une revue connue et élégante, qui sans écarter l'érotisme était autrement moins évidente que nombre d'autres cabarets de la ville où l'exposition brute de la chair était la norme. Mais ce qui faisait sa particularité, c'était notamment l'hygiène des locaux et les consignes des videurs. Là où bien des tavernes préféraient une politique attentiste puisque les bagarres rapportaient souvent de l'argent, le calme et la civilité régnaient à la Lune.

Le tailleur avait été étonnamment efficace, et Daren avait pu repartir avec une tenue ajustée, neuve et propre. Peut-être avait-t-il décidé de ne pas la porter d'ailleurs, puisqu'elle attirerait sans doute l'attention, mais, néanmoins, le tailleur n'était pas très loin du quartier portuaire. Les embruns de la mer arrivèrent à ses narines alors qu'il entendait les cris des marins et dockers. Le port ne s'arrêtait jamais. Au loin, les quelques navires qui, parfois, tenaient tête à ceux qui voulaient s'en prendre à la ville – des navires qui n'étaient pas grand-chose d'autre que des pirates sous contrat – pendant que les premières gabarres partaient à l'assaut de la mer.

Il trouva rapidement la revue. Elle était dans ce qui semblait être un ancien commissariat du port. Il y avait effectivement une tour au-dessus du bâtiment principal et de grandes fenêtres ornées, sans doute ajoutées après le changement de fonction de l'endroit, y faisaient entrer la lumière. Il distinguait une silhouette derrière le verre. Mais surtout, il ne put ignorer une telle quantité de verre dans cette ville en particulier où l'élégance n'était que rarement au rendez-vous.

Lorsqu'il toqua une première fois, on lui indiqua d'attendre que le cadran de la clepsydre situé au-dessus de la porte soit bien sur midi. Il s'exécuta, quoique sans doute agacé de devoir attendre ces quelques minutes, mais on lui ouvrit bien à l'heure dite. C'est un demi-orque en armure de mailles recouvert d'une livrée blanche et verte qui lui ouvrit. On le guida à travers la revue et il put observer que le tailleur avait dit juste. La grande salle de cabaret était propre, les bois brillaient et les verres étaient à des lieues des timbales d'acier que l'on pouvait trouver ailleurs. Un instant il se demanda comment il avait pu passer outre cet endroit, et puis, il compris : son statut n'était pas assez élevé pour y être invité.



On l'avait guidé jusqu'à l'entrée d'un escalier où se trouvait le nain le plus taciturne qui lui ait été donné de croiser. Il l'observa quelques temps.

- Daren Bleth, c'est ça ? Madame Vilneth vous attends. Elle n'apprécie pas que l'on hausse le ton, et ne vous accorderas que quelques minutes. Madame cherche, éventuellement, à établir des relations avec la Maison Bleth. Vous êtes là pour établir une première relation et, éventuellement, à présenter les intérêts de cette possible collaboration.

Il tourna une clef dans la serrure de la grille de l'escalier et le laissa passer. Daren du monter un colimaçon dont la seule décoration était une longue feuille de bronze déposée sur le mur.

L'escalier débouchait devant une élégante arche de bois, qui semblait ne pas tenir de porte, si l'on ne se rendait pas compte que celle-ci était dissimulé dans le mur grâce à un rail de galandage. Le soleil passait, cru dans les grandes fenêtres ornées de bronze du bureau dans lequel il entra. Le sol de bois était vieux et doux, on pouvait vite se rendre compte que le plancher était fait d'ancien morceau de navires, de la coque ou des morceaux de ponts. Un grand bureau de bois brillant chargé de registres se tenait au milieu du bureau, et un fauteuil orné de capitonnage de velours émeraude se tenait en face de deux plus petits sièges à l'esthétique accordée. Une clepsydre se tenait fièrement à droite de l'entrée en deux séries de fenêtres. Les cliquetis des engrenages tournaient à mesure que l'eau circulait dans ses circuits de cuivre. C'est probablement cette machine hydraulique qui donnait l'heure du cadran extérieur. Suspendues au plafond, des étagères d'acier plaqué de cuivre supportaient des registres qui chacun portait une date tissée dans sa tranche. Des étagères entre les fenêtres contenaient ci des liqueurs, l'autre des livres. Le tout brillait d'une atmosphère d'ordre finement décorée d'une pointe de chaos.

Mais la pièce ne serait rien sans son occupante. Pas très grande, sans être petite, sa robe la grandissait par sa coupe. Elle avait la peau légèrement ambrée, de grands yeux bleus et un maquillage sophistiqué. Un tatouage spiralait s'enroulait autour des son cou et de ses épaules. Ses cheveux châtains, coupés aux épaules, étaient propre et brillant, Daren pouvait presque sentir le parfum du savon qui y avait été appliqué. Elle n'avait pas de bijou autre que l'émeraude taillée enchâssée dans le tour de cou de sa robe. Elle se retourna, la triplette de fenêtres ornées derrière elle et le regarda. Daren ne pouvait ignorer la valeur de la mise en scène, mais la pièce elle même était propice à la dite mise en scène. Pas plus qu'il ne put ignorée la beauté de la dame.


Ivandra Vilneth
Daren Bleth, dit elle avec une voix qui contenait autant de menace que de chaleur, vous me voyez heureuse de cette rencontre. Je ne crois pas me souvenir vous avoir jamais vu chez moi ?

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écrit le : Vendredi 17 Octobre 2025 à 16h26 par La Goualeuse
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Que le luxe apportait de satisfaction à l'orgueil ! Trois ans d'exil avaient suffi à le lui faire oublier. Le noble Bleth s'était délecté de l'amabilité servile déployée par Finoan, sans être dupe pour autant. Le ton doucereux, les paroles flatteuses et les manières délicates étaient pour ainsi dire une seconde nature chez les Sembiens qui, comme chacun savait, avaient le sens des affaires chevillé à l'âme. Leur respect allait moins à la noblesse qu'à l'argent, et à l'évidence, la Matriarche n'avait pas compté. Aurait-il dû prendre connaissance de la note ? Tout à son triomphe, il n'y avait pas songé... Il importait peu : après tout, que pouvait-on dire à un tailleur ?

Celui-ci avait les mains aussi industrieuses que la langue facile. Tout en posant devant les miroirs, fort content de son reflet, Daren avait soutiré de précieux renseignements à l'artisan.
La Lune Courtoise était un établissement raffiné, dont l'entrée était réservée à des gens de qualité. La description évocatrice des danseuses lui remit en mémoire les souvenirs de quelques nuits d'extase à Suzail, du temps où il était jeune homme. Son œil brillait, grivois ; il ne se laissa cependant aller à aucune confidence.

Sa cape de soie rabattue sur sa tenue flambant neuve, il prit la direction du port, d'un pas conquérant. Le menton haut, il dissimulait sous une morgue toute aristocratique sa crainte d'être agressé par quelques voyous. La richesse, las, attirait bien souvent des ennuis... Par la grâce de Tymora, il parvint sans encombre à la revue, dont la tour étincelante dominait le front de mer tel un phare. Les nombreuses verrières, signe ostentatoire mais néanmoins élégant de richesse, lui firent forte impression - il prit note pour l'avenir. Depuis quelques heures, il rêvait d'un manoir en campagne.



*Par les dieux, que les demi-orcs sont laids ! Un coup de peigne et une livrée propre n'y peuvent vraiment rien faire...*

Ce constat ne devait rien à la mauvaise humeur causée par la rudesse avec laquelle il venait d'être éconduit de la porte, coupable seulement d'arriver légèrement en avance. Le petit être velu et taciturne qui le guida aux pieds des escaliers était tout aussi méprisable. Pourtant, Daren les avait traités tous deux avec la tiédeur hypocrite qu'exigeaient les circonstances.

Ayant abandonné sa cape et ses gants à un employé, il prit soin de lisser ses manches et de rajuster son gilet, puis gravit le colimaçon, laissant distraitement courir ses doigts sur le bronze.


*Hausser le ton ? Quelle idée stupide...*

Arrivé dans un bureau baigné d'une chaude lumière, l'aristocrate n'eut guère le loisir de contempler les boiseries, la clepsydre ou la vue sur le port. Ses yeux avaient comme été happés par la maîtresse des lieux, dont les courbes parfaites se découpaient dans l'éclat vespéral. Si la beauté offrait des titres de noblesse, alors Ivandra Vilneth serait née reine - du moins la traiterait-il avec autant d'égard. Elle n'avait rien d'une drow, comme il se l'était sottement imaginé ; sa voix, pourtant, caressait comme un fouet. Avec subtilité, elle lui rappela que tout Bleth qu'il pouvait être, il demeurait trop peu pour son établissement. Roué aux pièges et faux-semblants de la conversation mondaine, il comprit parfaitement que sa présence était autant une effraction qu'un privilège.

Un instant, il crut sentir sur sa nuque le souffle des désastres passés. La laine de sa tunique semblait tout à coup trop chaude pour la saison. Il sourit, ce fut d'abord la meilleure parade qu'il put trouver - fort heureusement, il avait les dents belles.


- Cette rencontre m'honore, Dame Vilneth, répondit-il avant que la gêne ne s'installe. En effet, je n'avais pas encore eu le bonheur de me rendre chez vous : les sept soleils, vous le savez, ne sont guère destinés à croiser la lune. Ses yeux pétillèrent de malice ; son esprit mondain ne s'était pas tout à fait engourdi. Du moins pas en des circonstances ordinaires. Comment la Maison Bleth peut-elle se montrer courtoise ?



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écrit le : Vendredi 24 Octobre 2025 à 11h31 par Phineas
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La Dame sourit, visiblement amusée. C'était toujours mieux qu'autre chose. Elle se déplaça jusqu'à son bureau et s'assit. Pendant qu'elle se déplaçait, Daren pu convenir qu'elle était plus petite qu'il ne lui paraissait au départ. La robe était faite pour la faire paraître aussi fine qu'une rapière, et son cerveau, surtout celui des hommes probablement, faisait le reste.

Assise, elle posa ses mains sur ses cuisses, détendue.


- Auriez vous la gentillesse de nous servir un verre, Daren. Le temps appelle à ouvrir l'appétit.

Sentant le regard de la maîtresse des lieu sur lui, Daren dût se diriger vers la vitrine qui contenait quelques bouteilles. Le noblion n'avait pas bu de cru exceptionnel depuis des années, mais il savait pourtant qu'il y avait de quoi faire blêmir un caviste devant lui. Pour autant il y avait une considérable différence entre savoir cela et être en mesure de choisir la réponse à ce qui semblait être un étrange test. Il y avait là cinq bouteilles. L'Ambré d'Amabranth lui disait quelque chose, il lui semblait qu'il s'agissait d'un puissante eau-de-vie faite, si il ne se trompait pas, à partir de champignons. Cette bouteille était à moitié pleine.
Venait ensuite une liqueur de sureau produite par un vigneron cormyrien. Il connaissait cette bouteille, la Maison Madva, à l'ouest du Royaume, produisait un vin doux ainsi que cette liqueur issues des sureaux sauvages des bois de la propriété. La bouteille était presque vide.
Venait ensuite un breuvage contenu dans une bouteille de terre cuite émaillé. Impossible d'en voir le contenu mais une étiquette indiquait un nom dans une langue à l'alphabet râpeux que Daren fût incapable de décrypter.
Une bouteille, minuscule, attira ensuite son regard. Il connaissait également celle ci : l'Hultail. Un spiritueux cormyrien si puissant qu'il était connu pour plonger le buveur dans une profonde ivresse en un seul verre. Il n'en savait pas plus, n'en ayant jamais goûté.
Enfin, la dernière était de l'eau de source issue de la neige fondue et filtrée de l'Echine du Monde.


- Alors Daren, poursuivit elle pendant qu'il faisait son choix, comment pourrais je être, éventuellement, utile à la Maison Bleth. Et, question peut-être plus simple, comment pourriez vous m'être utile ?

Lancers...



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écrit le : Dimanche 26 Octobre 2025 à 21h44 par La Goualeuse
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*Femme qui sourit...* s'amusa Daren, l'œil pétillant, ragaillardi un instant par son petit succès.

Bien incapable de détourner les yeux de la silhouette merveilleusement affûtée d'Ivandra, il l'accompagna du regard jusqu'à son bureau, affectant un air détaché, poli.


*La gentillesse... comme cela est bien tourné.*

Seul un pincement de lèvres, aussi mince que furtif, trahit son agacement - celui d'être relégué à une tâche aussi vulgaire et servile qu'échanson. Comme la retorse Haraklaera, la belle avait le don de déguiser les ordres en honneurs.

- Bien volontiers, répondit-il d'un ton gracieux, cette petite humiliation vite ravalée.

Une fois passé le vertige provoqué par les crus prestigieux qu'abritait la vitrine, Daren hésita un instant, les doigts suspendus au-dessus des bouteilles. De subtiles effluves embaumaient l'air, tout à la fois fruitées et boisées, avec au fond une âcreté ténue - celle du cuir neuf et du vin fort. Derrière ce choix anodin se cachait un test, de toute évidence. Et comme derrière tout test, le risque de trébucher avec élégance.


*Voyons... L’Hultail : suicide. L’eau : couardise. L'inconnue : bêtise. Le Madva de mon cher Cormyr ? Ah, trop facile...*

Ses doigts se posèrent sur la bouteille d’Ambré d’Amabranth. Derrière le verre, le liquide miroitait d’un éclat fauve. C'était là un breuvage audacieux, exotique, presque inconvenant - mais pas déraisonnable. Un pari calculé, en somme : ce qu’il savait faire de mieux. Il versa deux verres, la main sûre, le geste mesuré : juste assez lent pour paraître maître de lui, juste assez rapide pour ne pas sembler réfléchir.

- L’Ambré d’Amabranth, dit-il avec un sourire, est une eau-de-vie pour ceux qui aiment se souvenir... tout en faisant semblant d’oublier.

Daren présenta le verre à la Dame, avec cette courtoisie un peu trop parfaite qu’ont les gens qui se savent évalués. Puis il se servit à son tour et leva légèrement son verre sans le porter à ses lèvres.

- Quant à l’utilité… ah, voilà une question bien périlleuse. La réponse pourrait me coûter plus cher que la bouteille que je viens de vous servir.

Un mince sourire lui vint, badin, pour masquer l’inquiétude qu’il sentait remonter sous sa langue.

- Je serais bien présomptueux de croire que la Maison Bleth puisse apporter plus à la Lune que la Lune à elle-même. Mais, voyez-vous, il y a parfois des intérêts qui ne se révèlent qu’à la lumière des bonnes rencontres.

Il fit jouer les rayons du soleil à travers son verre, le liquide ambré se parant de reflets chatoyants.

- Si je puis me permettre, Dame Vilneth, peut-être est-ce là toute votre utilité, et la mienne : découvrir si nos ombres s’accordent sous la même lumière.

Son regard accrocha celui d’Ivandra, un bref instant. Le courage lui manqua pour le soutenir. Il était trop intelligent pour ignorer tout à fait le piège, mais plus vaniteux encore pour s'en détourner... Il poursuivit d'une voix souple, s'enhardissant de sa faconde :

- La Maison Bleth, voyez-vous, ne m’a laissé qu’un nom et quelques habitudes. Ce modeste héritage peut encore servir, je le crois. J’ai la prudence de ceux qui ont trop perdu pour risquer le reste... et l’élégance de ceux qui préfèrent encore tomber debout. Si la Lune Courtoise a besoin d’un éclat supplémentaire, je puis briller, Madame, mais seulement à l'intensité qu'il vous plaira.

Alors le noble Bleth porta enfin le verre à ses lèvres, goûta à peine, le temps d’un frisson discret. Le feu de l’Ambré lui chauffa toute la gorge, et il songea que c’était là le prix d'un jeu dont il avait entamé la partie depuis longtemps : sourire pendant qu'on brûle.



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écrit le : Mardi 28 Octobre 2025 à 14h18 par Phineas
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Les petits verres à liqueur cerclés de feuille d'argent étaient décoré de gravure abstraite que Daren reconnu comme étant des danseuses lascives. Du moins c'est ce qu'il en conclu en considérant le lieu dans lequel il se trouvait.

Il versa ce qui lui semblait sans doute l'un des choix les moins risqué dans les deux petits verres. Alors qu'il servait son hôte et s'asseyait en face d'elle, dans un fauteuil des plus confortable, il pût humer le liquide. Une odeur de cuir et de bois. Etrange, certains se seraient arrêter à l'odeur, mais il savait d'expérience que les alcools étaient ainsi : le goût avait régulièrement une autre dimension que l'odeur.


- L'Amabranth, hum..., elle eut un indéfinissable sourire en coin, un choix sûr. Ou tout du moins c'est ce qu'il semblerait. 1353 a été une bonne année pour Zazesspur, mais l'Amabranth a cette considérable variable d'être de ces alcools qui persistent prendre du caractère, même enfermé dans le verre. Les champignons, étrange plante, aussi solide qu'une vieille famille, le sous entendu était trop évident.

Elle fit tourner le verre sur la table, le soleil se reflétant sur sa robe dorée.

- On ne sait jamais vraiment à quoi s'attendre entre deux verres.

Elle avala l'eau-de-vie d'un trait, puis reposa le verre, sans une grimace. Elle s'avança sur le bureau, posa ses coudes sur la table et entremêla ses mains sous son menton.

- J'ai cette impression Daren, que vous souhaitez prouver votre valeur à votre maison. Mais, pour autant, que cette maison ne vous à pas toujours permis d'avoir un toit solide au dessus de la tête et du faisan grillé dans votre assiette

Elle sourit, compatissante.

- Mais, valeur et loyauté sont deux choses différentes, n'est ce pas ? Les maisons, les chefs, les époux ou les épouses. Tout cela ne vaut que tant que la balance est droite, ne pensez-vous pas ? Tant que les avantages sont au mieux, égaux aux inconvénients.

Elle laissa un instant passer.

- Je propose de vous offrir - à vous, et à la Maison Bleth si vous le souhaitez - une occasion. Fazel Kazebi organise une soirée dans quelques jours. J'ai été invitée, bien entendu, mais je ne compte pas m'y rendre. Comme à l'accoutumée, j'y enverrais quelqu'un. Ce quelqu'un pourrait être vous. Vous n'aurez d'autre choix que de vous y présenter comme venant de ma part puisque vous y entrerez avec mon invitation. Mais vous pourrez aussi y être un Bleth si vous le souhaitez, même si votre maison à certainement également été invitée.

Elle s'arrêta une minute. Daren eut le temps de récupérer les quelques informations qu'il savait avoir : Fazel Kazebi était un riche marchand calishite qui s'était installé dans un ancien manoir, à quelques centaines de mètres du domaine Bleth, moins d'un an auparavant. Sa conséquente richesse lui avait permit de rénover la bâtisse en un temps record, et il savait qu'il n'avait pas encore organisé de soirée. Celle-ci accueillerait certainement tout le gratin de la ville, et dans une ville comme Port-Ponant, il pouvait s'agir d'un évènement aussi mondain que dangereux.

- Je ne vous demanderais rien d'autre qu'un rapport général concernant les invités, le personnel et le maître et la maîtresse de maison. Du reste, vous êtes libre de faire fructifier cette soirée autant que vous le souhaitez.

A lire pour découvrir le goût de l'alcool


Lancers...



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écrit le : Hier à 20h58 par La Goualeuse
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Daren resta silencieux un instant, le verre entre les doigts, contemplant la mer au-delà de la verrière. L’Ambré d'Amabranth, au goût rance et pimenté, lui semblait moins brûlant que les paroles de sa "bienfaitrice". Il venait de comprendre. La matriarche Bleth, cette vieille vipère poudrée, ne l’avait pas envoyé en ambassadeur, mais en offrande. Et la belle Ivandra Vilneth, dans son écrin haut perché, venait d’accepter le présent sans même se donner la peine de le déballer tout à fait. L'une et l'autre lui avaient tendu la main pour mieux le tenir en laisse... Sa valeur comptait peu : seul importerait à qui irait sa loyauté quand tomberaient les masques.

- Une occasion, dites-vous ? Le terme avait sonné avec une amère douceur à ses oreilles. Voilà un mot que nous autres nobles déchus comprenons à merveille. Il suffit d’en avoir perdu quelques-unes pour comprendre la valeur de celles qu’on nous offre… et le prix qu’elles cachent.

Si son ton demeurait léger, quelque chose s’était fendu dans sa voix - une ironie trop tranchante pour n’être que charme.

*Fazel Kazebi...* avait-elle dit. Le nom ne lui évoquait que mépris. Un homme dispendieux... vulgaire... trop marchand pour en être un jour...*

Il fit tourner son verre, songeur, un éclat fauve jouant sur son visage. L'Amabranth lui déplaisait, une seule gorgée avait suffi à juger sa réputation usurpée.

- J’imagine que Dame Bleth doit se réjouir : me voilà enfin utile, reprit-il avec cette même fêlure dans la voix. Un messager au sourire docile qu’on prête à d’autres mains. Je dois reconnaître à ma maison cette grandeur d’âme toute particulière : elle ne gaspille jamais ses pions.

Un fin sourire effleura ses lèvres, nervosité presque gracieuse. Il avait affreusement chaud sous la laine de son gilet - et dire qu'il avait choisi lui-même son déguisement pour jouer cette cruelle farce !

- Vous avez raison, valeur et loyauté sont deux choses différentes… La Maison Bleth saura reconnaître l’honneur que vous lui faites. Quant à moi… je tâcherai de ne ternir ni votre nom, ni le mien. Dans ses yeux dansait ce mélange de peur et de prudence qu’ont les hommes sur le fil. Vous parliez de balance, ces instruments se souviennent toujours de ce qui les a fait pencher... Et la mienne s'incline du côté qui me garde vivant.

Daren leva son verre, comme on scelle un marché dont on a déjà payé le prix, puis but sans ciller. Le feu du piment lui remonta jusqu’aux yeux, y rallumant une lueur étrange : celle d’un homme que la lâcheté pourrait pousser à tout commettre, bassesses comme audaces.

- Vous aurez votre rapport, Madame. Et si Tymora s'en amuse, peut-être quelques confidences glanées entre deux toasts.

Il posa le verre, un peu plus brusquement qu'il n'aurait voulu sans doute. Une fois encore, il avait perdu. Son sourire revint pourtant, impeccable, quoique un peu coupable. Il s'était certes vendu, mais sans se trahir et c'était là une de ces petites victoires que l'exil lui avait appris à savourer. Après tout, survivre n'était-il pas la forme la plus personnelle de la loyauté ?



Entre deux complots, je choisis la sortie.
 
 
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