Prologue (Kuan Shen-Li) : Etrange alliance

Il avait rapidement quitté Elturel après l'étrange fin de cette mission... tout ne s'était pas passé comme prévu. Ils étaient plus ou moins tous sortis mais la magicienne avait disparu. A un moment, elle avait pris du retard sur la route et lorsqu'ils s'étaient retournés... plus rien. Metzli avait mis un certain temps avant d'accuser le coup, les deux femmes étaient amis mais pour lui, ça ne changeait pas grand chose.

L'amnienne était parti le lendemain, à sa recherche, et lui avait repris la route. Les jours étaient passés, tranquilles. L'été approchait. Kythorn allait sur sa fin. Il voyageait vers l'est, se disant qu'il pourrait peut-être trouver de quoi remplir sa vie prêt de la mer ou en virant vers le sud à un moment ou un autre. Ce soir là, il s'était arrêté auprès d'un camp de marchand qui lui avait permis de s'installer prêt du feu. Ne trouvant étrangement pas le sommeil, il avait longuement contemplé les flammes...

Trois jours plus tard, il se trouvait sur la route à la frontière du Cormyr. Le soir précédent, il avait reçu une missive de son monastère. Il devait se rendre à Port-Ponant. Un vieil allié du monastère semblait demander de l'aide, et il était le plus proche. Il ne savait pas vraiment comment il pourrait se rendre utile, mais il devait trouver un homme, un certain Odour le Géant.

L'homme vivait vers les docks de Guldar. Il était mercenaire. La chose avait étonné Kuan. Le monastère, allié avec un mercenaire ? Peu importe. C'était une mission comme une autre. Il avait changé de chemin, et se dirigeait désormais vers Port-Ponant.

Il avait récupéré des informations sur la ville en chemin. Port-Ponant n'était pas vraiment ce qui se faisait de plus sur et de plus honnête. En fait, il était assez persuadé que la ville était une sorte de centre criminel. Tout cela l'étonnait de plus en plus. Mais la missive portait bien le sceau et la signature du maître du monastère. Quelques jours plus tard, il était arrivé en vue de la ville, sur une colline, il observait.

Comment allait il envisager le problème ? Ou trouver Odour ? Dans une ville aussi dangereuse, probablement ne fallait il pas oublier de se méfier de tout...

Depuis la colline, Kuan restait immobile, observant Port-Ponant comme on examine un piège aux arêtes dissimulées.

La ville grouillait en contrebas, étalée contre le rivage comme une bête de pierre et de bois, saturée d'ombres et de vapeurs salines. Loin des enseignements paisibles du monastère, cette ville semblait respirer le vice et la dissimulation. Pourtant, le sceau sur la missive était authentique. Cela devait suffire.

Il inspira longuement, ferma les yeux.

¤ L’ordre est une affaire intérieure. Ce que tu vois n’est pas ce qui est. ¤

Les paroles de son maître résonnèrent brièvement, l’aidant à ajuster son esprit. Le feu, l’eau, la terre, l’air… et le cœur. Tant que ceux-ci restaient alignés, aucune souillure extérieure ne pouvait altérer son centre.

Rouvrant les yeux, il descendit en silence par le sentier de terre, ses pas souples n’éveillant aucun bruit. Son arc, enveloppé dans une étoffe de lin usé, reposait sur son dos comme une colonne vertébrale invisible. Il n'était ni pèlerin, ni mercenaire. Juste un homme en quête d’un nom : Odour le Géant.

Arrivé aux abords de la ville, il choisit une entrée secondaire, un vieux chemin de halage où les pêcheurs faisaient sécher leurs filets. Loin des regards. Ici, personne ne posait de questions.

Il avança lentement vers les docks de Guldar, se fondant dans le tumulte comme une flèche dans le vent. Il écoutait. Observait. Guettait les murmures. Un géant ne passait jamais longtemps inaperçu.

Pourtant, les visages restaient fermés, les regards fuyants. À défaut d’informations tangibles, il se résolut à changer d’approche. Une taverne. Une choppe.

Non pas pour se distraire, mais parce que, dans ce genre de lieu, les langues se délient plus vite que dans les rues. Cela lui rappelait Elturel…

Il tourna les talons, sans hâte. S’il devait trouver Odour, il commencerait là où les mercenaires se croisent.

Kuan avait passé les portes sans mal. On entrait sans problèmes dans Port-Ponant, après tout, il s'agissait officiellement d'une ville de commerce, et le commerce n'aimait que rarement les contrôles.

Kuan avait été étonné, de ce qu'il en avait entendu, il s'attendait à se faire agresser au moindre coin de rue. Mais, dans une certaine mesure, une forme d'ordre semblait régner ici. Certes, il y avait peut-être une tension différente ici mais rien de particulier.

Du moins, rien de particulier, au début du moins.

Il constata d'abord une évidence en recoupant quelques babillages. Contrairement à de nombreuses autre ville, tous les clergés semblaient acceptés ici, du bon, ou du mauvais côté. Et plus encore, les jurons étaient souvent dédiés à Mask ou Talona.

Il ne savait pas vraiment où se diriger, mais en écoutant, il découvrit un peu par hasard qu'il y avait un quartier shou en ville, une information qui pouvait valoir quelque chose, pour lui. Mais surtout, il entendit vite parler d'une auberge, qui faisait aussi taverne : la Sirène Penchée.

Il n'eut pas trop de difficulté à trouver cette auberge visiblement courue, même à cette heure matinale. Il se rendit compte immédiatement de l'esprit qui animait la taverne. Très visiblement, le public de l'auberge n'était pas des plus civilisés, et les marins qui la fréquentait n'était probablement pas ce que l'on faisait de plus honnête. La Sirène était tenu par un massif demi-orc mais il appris rapidement que son nom était Glarn, pas Odour. Alors il s'assit là, tranquillement, se fondant sans trop de mal dans la foule. Si les shous n'étaient pas monnaie courante, la population de la taverne ne semblait pas pour autant particulièrement étonné de sa présence. Il continua à tendre l'oreille.

Au bout de quelques dizaines de minutes, il finit par entendre quelque chose à une table, non loin. Trois hommes, pas plus patibulaires que les autres, discutaient :

- Parait qu'c'est pas un tendre c'lui là. J'crois que la bande à la Fille Bleue veulent faire un casse chez son patron mais...

- Bah, y disent géant, géant... mais mon frère lui collerait une calotte

- Pelbar ? Bah, t'es dingue ! Le Odour le suspenderait par les couilles avant qu'il ait le temps de sortir sa da...

- Parle pas d'mon frère comme ça, sac a merde !

Hélàs, la suite de la conversation s'éteint dans le début de la bagarre. Une occasion pour Kuan de partir sans être vu si il le souhaitait, d'ailleurs.

Lancers...

Kuan Shen-li - Jet de compétence : Perception : 20(d20) +9(deg) +4(Sag) = 33
Kuan Shen-li - Jet de compétence : Furtivité : 15(d20) +10(deg) +4(Dex) / 13 si armure = 25 ~ Réussite

Depuis sa table, Kuan n’avait pas bronché lorsque les coups avaient commencé à pleuvoir. Il avait seulement déplacé lentement sa chope d’un geste du poignet, pour éviter les éclaboussures. Comme une flèche suspendue dans l’air, son attention était restée tendue sur les bribes de conversation.

Un nom. Une rumeur. Une tension.
Odour. Le Géant. Un employeur. Un casse.

Des pistes faibles pour un esprit pressé. Mais il n’était pas de ceux-là.
Il observa le demi-orc, Glarn, un instant. Massif, renfrogné. Pas du genre à répondre à des questions d’un inconnu – surtout à une heure où la bière l’emportait sur la courtoisie. Trop tôt pour forcer une rencontre. Trop risqué pour espérer une réponse honnête.

Il se leva, ajusta les pans de sa tunique. Déposa quelques pièces, sans hâte, puis s’éclipsa en silence à travers l’agitation naissante.

Une pensée l'accompagna :

¤ Les rivières trop pleines débordent. Les calmes creusent la roche.¤

Le quartier shou… Cette simple rumeur avait quelque chose d’inattendu. Il n’aurait pas cru trouver ici un bout de l’Est, perdu entre ces murs de bois et de sel. Et pourtant, c’était comme un fil tendu dans la trame, une accroche familière dans un monde dissonant. Là-bas, il pourrait peut-être respirer différemment. Parler sans devoir prouver sa légitimité. Et, peut-être, écouter plus librement.

Il quitta les docks, longeant les ruelles plus discrètes, où l’ombre pesait moins que les regards. La ville vivait, grondait, digérait son lot quotidien de trafic, de secrets et de deals. Mais Kuan marchait en son propre centre. Sa seule arme visible était le silence, et ses pas.

Port-Ponant cachait ses cartes, mais il avait appris à lire les revers.

Le quartier shou serait son prochain tir.

Il avait fallu traverser la Thunn, chercher quelques temps, se perdre deux fois et ouvrir ses esgourdes. Mais Kuan avait finit par trouver. Il était passé sous une arche figurant un Lung de jade endormi. Elle permettait de passer un mur de pierre rouge terminé à son sommet de tuiles blanches décorés de sceau décoratifs, figurant probablement des familles importantes et même, toutes les quatre tuiles, en ivoire blanc, le sceau de l'Empereur.

Soudain, Kuan était à la maison. De grandes bâtiments à toit de pagode l'accueillirent. Rapidement, les idéogrammes lui apprirent qu'il s'agissait de bureau de douane et d'immigration, de contrôle de qualité, une direction de l'artisanat, et tout ce qu'on pourrait s'imaginer dans un quartier étranger. Juste après la Bannière Bleue, une auberge et taverne dont les briques étaient décorées d'inclusions de pierre bleue, se trouvait un temple de l'Illumination puis, la place principale du quartier.

Au milieu, une calme fontaine figurait la dualité de la Voie, et de l'autre côté se trouvait un bâtiment officiel qui ne pouvait être que l'Ambassade. Autour de celle-ci, des jardins public voyaient se croiser dignitaires et marchands.

Le quartier était calme, même si comme ailleurs, les habitants flânaient, discutaient, s'arrêtait sur un étal pour acheter ceci ou cela avant de courir après un enfant parti dans la mauvaise direction.

Mais quelle pointe de nostalgie sans doute, d'entendre partout la langue de son enfance. Et puis surtout, il se sentait ici en sécurité. Les quatre samouraïs qui gardaient les portes l'avaient regardé en passant, comme d'ailleurs ils avaient regardé ceux qui entraient au même moment. Mais visiblement, c'était bien eux, qui devaient être aux ordres de son Excellence l'Ambassadeur, ou l'Ambassadrice, qui assurait la sécurité ici, et non les gardes potentiellement corrompus de Port-Ponant.

Restait à savoir où aller chercher l'information qu'il cherchait. Si elle était ici.

Sous l’arche de pierre rouge, Kuan s’était arrêté un instant.

Ses doigts avaient frôlé l’un des sceaux blancs, l’ivoire gravé de l’Empereur comme une mémoire incrustée dans la roche. Il ne pria pas, ne s’inclina pas. Mais dans le silence de son cœur, quelque chose s'était redressé.

Le quartier shou n’était pas une illusion. Il vivait ici, étranger enraciné, transplanté mais digne. Chaque toit de pagode, chaque calligraphie aux encres effacées sur les devantures, chaque odeur d’encens ou de poisson grillé, ouvrait en lui une trappe oubliée. La langue courait, partout, et il n’avait pas besoin d’écouter pour comprendre. C’était fluide, naturel. Son pas s'était ralenti, comme si le monde reprenait un rythme plus ancien.

Passant devant la Bannière Bleue, il avait noté sans s’arrêter la qualité des pierres, les motifs incrustés. Rien de clinquant. Juste l’affirmation discrète d’une culture millénaire. Puis, la fontaine. Un soupir lui échappa. Yin et yang dansent sur la surface. L’eau se mêle à la pierre comme l’ordre au chaos.

S’il y avait un lieu où se sentir homme, et non fonction, c’était ici.

Les samouraïs ne l’avaient pas arrêté. Mais ils l’avaient vu. Il avait perçu dans leurs regards l’évaluation immédiate : posture, souffle, silence. Il avait répondu de même. Un simple hochement. Pas d’agression. Pas de crainte. Seulement la reconnaissance.

Il s’approcha de la place principale, là où les jardins de l’ambassade respiraient une paix soigneusement entretenue. Il resta à distance, observant la circulation, les figures d’autorité, les conversations effacées dans le murmure des pas sur les dalles.

¤ Un lieu sans trouble n’est pas un lieu sans secrets. ¤

Il ne cherchait pas à y entrer. Pas encore. Il avait appris à ne pas poser de question trop vite, ni trop directement. Ceux qui savaient écouter, voyaient le monde s’ouvrir.

Il s’assit un moment, à l’ombre d’un cerisier en fleurs, près de la fontaine. L’odeur du bois laqué, du papier huilé, du thé sec. La musique douce d’un shamisen lointain. Kuan laissa passer le monde autour de lui, comme un filet posé sur une rivière. Dans les rumeurs, les échanges anodins, les murmures entre deux passants, il allait peut-être trouver ce qu’il cherchait : un nom, un lien, une piste. Peut-être même Odour, ou ceux qui en avaient entendu parler.

Et s’il ne trouvait rien ici, alors il se lèverait, entrerait dans un bureau ou dans un salon de thé, et formulerait, doucement, la bonne question. Avec les bons mots.

Comme le vent qui s’infiltre dans une fissure.

Le calme clapotis de la fontaine avait quelque chose de très reposant. Si il n'était pas aussi attentif, Kuan aurait pu s'assoupir tant il se sentait en sécurité ici. Non loin, un petit salon de thé, le Lotus Lointain, se remplissait un peu alors que le soleil attenait son zénith. Les effluves du thé arrivèrent au nez de Kuan alors qu'il observait la place. Il y avait certainement des années qu'il n'avait pas senti un thé de cette qualité. La feuille était rare dans les Royaumes, même si « thé » était devenu un mot courant pour désigner les tisanes de toutes types.

Là, un puissant pu-erh, probablement agrémenté de zeste d'orange, emplissait ses narines, mais il sentait, derrière, des effluves de thé blanc à d'autres tables et même peut-être, du huang cha. Sans aucun doute, le salon de thé, qui faisait face à l'ambassade, n'était il pas destiné à une clientèle très populaire. Mais, de toutes façons, de ce qu'il en voyait, même les plus petits artisans n'étaient pas précaires dans le quartier. Cela n'avait cependant rien d'étonnant. Les quartiers shous étaient des vitrine de la grandeur de l'Empire, et le Céleste Kai Tsao n'envoyait dans l'ouest que les meilleurs représentants de l'Empire du Ciel.

Plus loin, la Bannière Bleue semblait plus occidentale, une interface intéressante avec le reste de la ville. Quelques marchands de Port-Ponant, probablement intéressez par des partenariats avec le Kara-Tur, y étaient installés en attendant un entretiens à l'ambassade. Il remarqua également une population visiblement moins aisée issue de l'extérieur du quartier, assez jeune, qui était assise sur des bancs non loin de lui. En laissant trainer ses oreilles, il compris que ces jeunes gens faisaient partie de l'orphelinat de Sima Han, qui devait se trouver quelque part dans le quartier.

C'est en s'intéressant à leur discussion qu'il entendit ceci :

- Vous avez entendu, il parait que le géant a accepté un duel avec je sais pas trop qui... faudrait qu'on arrive a faire le mur pour aller voir !

- T'es fou Jeannot, si Maître Sima nous attrape, on sera bons pour éplucher du riz pendant trois jours.

- Mais si les rumeurs sont vrais, il a jamais accepté de duel depuis qu'il est arrivé ici... t'imagines !

Le reste se perdus en blagues, en conjectures et en paris de jours de corvées.

Lancers...

Kuan Shen-li - Jet de compétence : Perception : 17(d20) +9(deg) +4(Sag) = 30