Ophiuchus - Chapitre I, Saphir Noir, 30 Nuiteuse 1372

ssis sur sa chaise, il laissa de nouveau Miriel vaquer à son questionnaire. Son commanditaire lui avait clairement énoncé ses objectifs mais la logistique revenait à cette femme. Et la scène qui se déroulait sous ses yeux commençait à l’ennuyer grandement. Il devait pour la première fois laisser l’organisation de ses objectifs à des personnes de l’extérieur et cela il n’en était pas habitué. En tant normal on lui aurait donné tout les détails dont il aurait eu besoin : objectifs, logistiques et moyen à mettre en œuvre. Dans le cas présent, son commanditaire lui avait donné certaine information et il devait maintenant se présenter à cette femme pour étoffer ces informations. Et il n’aimait pas ça ! Tout lui échappait et il ne le supportait pas. D’autan plus que cette fois les ordres ne venaient pas de son Ordre lui-même mais d’une guilde minable d’Arrabar tentant de sortir de son trou comme la plupart de ces homologues dans cette villes pourrîtes jusqu’à la moelle. Profitant de nouveau d’une série de question de cette Miriel, le monial éleva de nouveau la voix, le visage et sa voix inchangés.

-(commun) Veuillez m’excuser … Dame Miriel. Mais j’ai la forte impression que cet homme. Désignant Zobian du regard. N’a pas grand-chose à voir avec notre affaire présente. Mon commanditaire vous a clairement recommandé pour votre efficacité et votre rapidité, et je suis persuadé que cela soit le cas. Marquant un tant d’arrêt volontaire, il reprit. Comme vous le savez je suis un homme d’affaire plutôt occupé. Etant vous-même dans ce cas vous comprendrez donc bien que notre temps est précieux. Marquant de nouveau un tant d’arrêt, son sourire se fit plus grand. Comme vous le savez je suis spécialisé dans les produits … exotiques dirons nous. Puis comme pour confirmer ses dires, il porta aux yeux de tous une main au teint blanchâtre. Doucement des plies se formèrent sur le tissu en soie pourpre de son avant bras. Un petit serpent blanc aux yeux rouges regarda l’assemblée présente à la table. Puis regardant Moira, l’air amusé. Vous savez très chere qu’une simple morsure de ces bêtes peut faire fondre vos organes et en faire une bouillie. Marquant une pose il endossa des traits pensifs. Cela doit être fort douloureux je pense. Rangeant dans un tiroir son expression comme on rangerait un masque, il engouffra sa main dans sa robe. Notre ami commun m’a demandé d’étendre mon marché vers Hondleth créant ainsi un consortium qui j’espère sera florissant pour moi, notre ami commun … et vous. Moi en m’occupant de la marchandise, notre ami ramenant les contacts et vous assurant la tranquillité de nos affaires. J’ai donc accepté votre venu car vous assurerez ma protection et la logistique du voyage. Regardant Moira, puis revenant vers Miriel, le sourire aux lèvres. J’espère juste que vos gardes du corps savent faire leurs jobs. Ramenant de sa main gauche ses cheveux blancs derrière son épaule il reprit. J’espérai donc que nous parlerons ici de la logistique et de notre affaire et non de vos amis ou de votre invité …

Bien entendu, le spectacle était allé au-delà de toutes espérances. Un recadrage sur un ton égal et courtois, mais teinté d'arrogance tranquille et de mépris à peine voilé. L'Epouvantail montrait là une aisance remarquable dans ce genre d'exercice, et Miriel ne l'avait pas volé. Son comportement régulièrement inconséquent de petite fille gâtée avait bien besoin de ça. En revanche Moira considéra l'apparition du petit serpent, qui lui était semble t-il destiné, avec un détachement froid.

¤Il pense quoi, m'impressionner avec ça?¤

Au moment où il glosait sur la puissance de son poison, elle songea à tirer son épée pour décapiter proprement la bestiole encore entre les mains de Khemed. Mais au delà de toute conséquences directes dommageables pour les négociations, elle n'aimait pas répondre à un acte de vanité par un autre. Pourquoi faisait-il ça d'ailleurs? Elle n'était qu'une simple employée, s'attendant très logiquement à être parfaitement ignorée, mais pourtant il s'échinait à vouloir l'inclure dans la conversation. Alors que Zobian le messager au contraire, n'avait pas droit à tant d'égards. Peut-être était-il simplement vexé de n'être parvenu à arracher une réaction à la guerrière avec sa petite comédie tout à l'heure, si c'était cela, il allait devoir se faire une raison. Mais il avait fait dévier son discours bien senti et bien cadré sur un sujet important (ses affaires, son temps précieux) pour permettre cette manifestation d'orgueil. Une faiblesse intéressante à noter.

¤Il ne doit pas supporter que les choses et les gens ne réagissent pas comme il le prévoie.¤

Mais le plus intéressant, c'était les informations livrées dans cette déclamation : encore un 'ami commun', visiblement pas le même que celui du message, et l'existence d'un accord préalable. Ensuite il y avait le choix des mots. Il avait dit : "j'ai accepté votre venue", un sous-entendu lourd de sens. Il avait un pouvoir de décision dans cette affaire, et considérait avoir fait une faveur à Miriel. Il avait terminé en disant 'job' et non 'travail', un relâchement de style un peu brusque dans son discours de velours qui marquait probablement son agacement et son impatience en dépit de son sourire-réflexe de façade parfaitement serein.

Moira attendait maintenant la réaction de Miriel, qui allait sûrement être toute aussi instructive. La fille Ilastul n'était pas du genre à se laisser dicter les choses. Même quand elle devait s'incliner, comme face à son père, elle conservait une forme d'insolence. Elle s'excuserait peut-être, mais pour la forme uniquement. Et elle ne résisterait sûrement pas à la tentation de placer un sarcasme ou deux. Si elle ne faisait rien de cela, c'était que l'enjeu était réellement d'importance, ou son client réellement puissant et influent.

¤Dommage que Jon ne soit pas là. Il aurait adoré.¤

L'attention de la guerrière ne restait toutefois pas focalisée sur Miriel, elle surveillait également Zobian du coin de l'oeil. Toutefois, ce dernier semblait assez finaud pour ne pas vouloir s'en mêler, en plus de l'opportunité de se soustraire à des questions inquisitrices, dont les réponses, il faut le reconnaître, ne regardaient Miriel en rien. En fait, Moira s'attendait presque à voir le messager ricaner discrètement de la situation. Et dans le fond il aurait bien raison.

Zobian ignora royalement Zelkior et s’éclaircit un peu la voix une fois que celui ci eut fini.
Il n'allait pas narrer toutes ce qui lui était arrivé pendant le voyage mais il se concentra pour faire un récit à la fois léger et précis.

"Je viens effectivement du Thétyr. J'ai effectué le voyage en caravane marchande et j'ai ensuite continuer avec des musiciens itinérants."
En regardant les yeux de la Dame, Zobian ne décela pas de trace de danger pour ça personne. Il se plongea dans ses pensées l'espace d'une seconde.

~Je suis içi pour accomplir ma destinée... Je m'en remet à toi, Ô déesse.~

Il toucha son fétiche et se promit à lui même: Si il effleurait face, il donnerait une version officielle, s'il touchait pile, la vérité.
Ce fut pile qui fit contact avec sa peau...

"La troupe m'indiqua le chemin d'une enseigne à Hlondeth. C'est là que je connu Gramloth qui me confia ma mission."

Il fit une pause puis reprit, quelque peu emphatique.

"Croyez vous à la destinée ? Aux étoiles guidant les âmes ? J'ai le sentiment profond d'avoir été appelé ici. C'est en réalité une étoile qui me guida jusque dans cet endroit."

Son visage d'habitude si morose, était éclairé par un rictus exalté. Le roublard croyait dur comme fer à ses élucubrations...

Moira, Zobian, Zelkior

L'impatience de Zelkior avait parlé, et Miriel avait écouté attentivement son discours. Outre le ton orgueilleux pour lequel la psionne arbora un sourire en coin, mi narquois, mi satisfait, elle nota plusieurs informations que le monial lui avait donné, volontairement ou non, d'ailleurs. Ne pas poser de question avait cela d'avantageux que les réponses étaient toujours très détaillées. Et l'intervention de Zelkior n'avait pas failli à la règle. Ainsi, il se présentait comme marchand de... serpents ou autres produits exotiques. La femme n'avait d'autre choix que de le croire, lui et Oknar... tout comme lui n'avait d'autre choix que de faire confiance à ses hommes.

- Et j'espère en retour que vous connaissez cette ville et sa région. Elle fit une pause, les yeux fixés dans ceux de son interlocuteur. "Mais ne revenons pas sur les termes du contrat. Je suis sûre que nous saurons tout deux l'honorer, en tout point." Et elle s'appuya sur son dossier, souriante "Quant à votre temps, ne pensez pas qu'il est plus précieux que le mien. Mais si tel est le cas, alors n'hésitez pas à prendre les devants. Je suis sûre que vous serez ravi d'attendre dans ce port miteux le temps qui nous sépare du départ... A moins que vous ne nagiez et partiez donc en avance, ce qui j'en conviens ne serait guère pratique avec cette soie." ajouta-t-elle en désignant du retard l'habit pourpre du moine. Elle prit soudainement un ton plus sérieux. "Bien, mais retournons au sujet qui nous rassemble tous maintenant. Nous avons donc un peu de temps pour discuter des détails du voyage et nous y préparer. Enfin, je dis 'nous', mais je resterai ici."

Ainsi elle avait découvert l'un de ses points faibles : ne pas savoir, ne pas contrôler. Son impatience l'avait trahie. Intéressant, même si elle n'aurait probablement pas l'occasion de jouer avec. Son esprit bascula sur la mission. Avant que tout soit clair pour elle, seule une information lui manquait : l'heure de départ du prochain navire pour la cité des serpents. L'humaine connaissait la grand majorité des navettes fréquentables entre Arrabar et Hlondeth, mais les horaires étaient souvent soumis à variation, encore plus pendant la saison froide. Une personne à cette table devait savoir.

- Vous m'excuserez donc de ne pas aller immédiatement au vif du sujet -ce que je ferai dès une dernière information acquise-, mais les nouvelles fraiches ne sont pas bonnes, et cela contrarie les plans que j'avais fait pour vous. Mais rien n'est perdu. Vous partirez plus tôt que prévu, et sur un bateau qui ne sera pas le mien, voilà tout. Il me manque seulement l'heure exacte du départ.

Elle se alors tourna vers Zobian. La psionne repensa à sa réponse. Elle avait été courte, concise et ce n'était pas pour lui déplaire. Il disait avoir suivi une étoile jusqu'ici... Son allusion à la destinée était étrange, et son sourire -grimaçant- ensuite presque autant. Mais cet apparent grain de folie et cette conviction étonnante ne le rendrait pas inutile, loin de là.
Miriel prévoyait même une nouvelle mission pour lui.

- Considérez votre mission comme achevée, avec mes remerciements... et ceux de Gramloth à n'en pas douter. Elle fit une pause brève. "Laissez-moi vous poser une autre question. Vous êtes arrivé ce matin-même de Hlondeth, n'est-ce pas ? Nous somme le 30 Nuiteuse. Voyons... Vous avez navigué avec ce cher Fahro, si je ne m'abuse ? Un beau bavard ! Vous a-t-il dit à quelle heure précisément il comptait repartir cette après-midi ?" Son ton changea alors, et son discours se fit plus lent. "Si votre étoile vous a mené à Hlondeth, où Gramloth vous a envoyé en Chondath... la moindre des politesse serait de vous y renvoyer, n'est-ce pas ?" Elle le regarda. "Et que vous dit votre destin à présent ? Pourrez-vous guider ces personnes jusqu'à lui, cela évitera à Khemed de chercher dans cette jungle qu'est le quartier du Nan ?" Demanda-t-elle en désignant Zelkior et Moira. "Je suis sûr que ce bon Gramloth saura lester votre bourse convenablement pour votre peine."

Moira quant à elle se gardait d'intervenir. A peine avait-elle bougé pour croiser les bras. Elle faisait mine d'attendre patiemment les détails de la mission... qu'elle réaliserait avec efficacité et rapidité, comme à son habitude. Miriel commençait à l'aimer cette petite !

La guerrière restait impassible, mais intérieurement, la situation l'amusait de plus en plus. Voir deux monuments d'arrogance se percuter de plein fouet était l'une des rares choses dont elle se délectait. Les deux adversaires n'avaient visiblement pas la même idée de leurs prérogatives respectives.

¤Elle l'a rembarré proprement. Soit c'est ce Khemed qui s'imagine plus important qu'il n'est réellement, soit Miriel est définitivement nulle en relations d'affaires.¤

Ou les deux, ce qui était loin d'être impossible. Miriel semblait continuer à donner la priorité au message que Zobian lui avait porté, qui concernait un certain Gramloth. Y'avait-il un lien entre les deux? Cela n'apparaissait pas clairement, mais Moira avait des soupçons sur ce qui aller se passer.

On allait lui sûrement lui demander d'accompagner Khemed au Hlondeth comme il le demandait, puis rester là-bas s'occuper de Gramloth. Deux missions pour le prix d'une. Deux salaires aussi, espérait-elle. Mais Miriel repoussait encore et toujours le moment de dire de quoi il en retournait. L'heure du navire, quelle importance! Ce genre de détail se règle pourtant à la fin.

¤J'espère au moins qu'elle ne va pas donner l'objectif de la mission "Gramloth" devant deux étrangers. Ce serait sombrer dans l'amateurisme total...¤

Il y avait déjà Ethan pour ça.

et échange faisait naitre en lui une profonde lassitude. Il s’était préparé, avait endossé son masque de marchand, peaufinant son jeu allant jusqu’à s’inventer une nouvelle personnalité, meilleur moyen pour lui de ne pas oublier qui il est vraiment. Il avait longuement étudié la question, passant ses journées dans les rues d’Arrabar, dans les tavernes sur les places marchandes. Avec l’expérience de l’extérieur il s’initia aux différentes mœurs, jaugea de mieux en mieux les discours, les comportements. Avec cela son champ d’action s’ouvrit, il pouvait se permettre de se fondre dans un contexte, de mieux appréhender ses buts et d’user de nombreuses personnes à des fins spécifiques. Est ce sans doute pour cela que la dame de la nuit lui avait confié cette mission ?! Alors qu’il y a quelques années un nom et un lieu lui aurait suffit à faire couler le sang.

Un léger haussement de sourcil sur son masque de bienveillance, le fit revenir à la discussion. Comme un mantra qu’il réciterait à la gloire de sa dame, il se remémora rapidement ce qui caractérisait Khemed.
¤ Je suis Khemed, marchand d’Arrabar, avide, présomptueux, fourbe, arrogant. J’aime les belles choses et aime montrer ma fortune.¤
Voila ce qu’il croyait être pour lui le citoyen marchand commun de cette ville.

Une longue inspiration suivit puis il était de nouveau là : Khemed le marchand d’Arrabar, dont les dires de Miriel ne lui plaisent guères. Lassé de ce jeu, il devait cependant assoir son personnage.
Levant sa voix joviale :
-(commun) Votre humour très cher est à la hauteur de votre organisation. Laissant un temps il reprit. Somme toute bancale. Surtout si vous persistez de la sorte belle Demoiselle. Ne me confondez pas avec un de vos laquais de mercenaire. Mon temps est aussi précieux que le votre et il semblerait au vu de ce qui ce passe que vous dénotiez une certain inexpérience dans ce type d’affaire. Cependant j’ai besoin de vous et notre ami commun à besoin de moi. Essayons donc d’être le plus professionnelle possible ma chère. Un large sourire se dessina sur son visage.

Lentement il se leva de sa chaise. Les mains comme à l’accoutumés dans les pans de sa robe, il s’adressa à nouveau à Miriel.
-(commun) Vous avez donc finalement trouvé un moyen de m’emmener à Hlondeth. Et je suppose que mes gardes du corps seront … Posant les yeux sur Moira … Cette belle jeune femme, si jovial. Et en l’occurrence Messire Zobian. Levant son bras en direction de la sortie il continua fixant Zobian son large sourire aux lèvres. Pourriez vous donc m’emmener voir ce … Fahro.

Zobian avait entendu deux mot qui lui procurèrent un frisson de plaisir. Il sentit ses poils se dresser le long de sa nuque puis doucement descendre le long de l'échine. "Étoile" et "Bourse".
Bien qu'il soit fraichement débarqué du matin, Zobian pourrai certainement retrouvé la direction du port pour emmener tout le monde au capitaine. Durant la traversée, il n'avait écouté le vieux loup de mer que d'une oreille, celui ci étant aussi bavard qu'une pie. L'heure du départ pour Hlondeth lui avait échappée.
Cependant, cela faisait trop peu de temps depuis leur arrivée pour que l'homme eut fini de débarqué toute sa cargaison et chargé la suivante. Il y avait de grandes chances de le trouver à bord de son navire.

Il acquiesça de la tête pour signifier à la dame qu'il mènerai tout le monde au port. Puis après s'être plongé dans le regard de Zelkior, il lui rendit son sourire un brin factice.

"- Nous pouvons partir quand vous voulez. Fharo doit être en train de changer de cargaison. Nous avons le temps d'aller au port et d'embarquer pour l'autre rive."

Machinalement, il plaça ses doigts sur sa piécette et jubila de plaisir en pensant à sa déesse.

Moira, Zobian, Zelkior

Miriel acquiesça à la réponse de Zobian, qui confortait ce qu’elle pensait : ils avaient encore un peu de temps jusqu’à ce que le marchand ne finisse de charger son bateau. Elle regrettait l’urgence de la situation, qui rendait alors impossible le voyage par ses propres moyens –le bateau étant attendu des côtes nord du Bief de Vilhon pour le lendemain–, car cela la rendait redevable d’un service, même si la bourse accompagnant les voyageurs contribuerait à alléger cette dette.

Faisant fi des critiques de Zelkior sur son organisation de mercenaires –qu’il ne connaissait pas–, elle prit la parole dès que Zobian eut fini, s’adressant au groupe.

- Vous partirez avec Fahro à destination de Hlondeth ; Moira comme Zobian connaissez le chemin du port, vous n’aurez aucun mal à le rejoindre. Vous y retrouverez Jon. Vous voyagerez de nuit pour traverser le bras de mer et vous accosterez demain à l’aube si les vents sont bons. Une fois sur place ne trainez pas au port ni dans la ville. Zobian vous conduira à La Caverne où Gramloth vous attendra. Puis se tournant vers le roublard. « Votre mission s’arrêtera là pour vous, me concernant. Libre à vous et Gramloth de décider entre vous de la suite. Il est bon juge et seul lui connait l’urgence et la difficulté de sa situation, et il saura mieux vous l’expliquer que moi. S’il désire votre aide, elle est la bienvenue ; je me dois néanmoins de vous avertir : ne perturbez pas le travail de mes hommes car c’est l’assistance du Saphir Noir que Gramloth a demandé. » Elle se posa un instant, puis continua pour Moira. « Tu resteras un instant après, j’ai quelque chose à te donner. » Et comme si elle se remémorait soudainement quelque chose, elle continua : « Ah ! Oui ! Zobian, Moira, avez-vous besoin d’équipement avant de partir ? Prenez ceci en guise d’arrhes ou de motivation pour le bon accomplissement de vos missions respectives. »

Elle les laissa réfléchir un instant. Au rez-de-chaussée du Saphir Noir se trouvait une boutique, tenue par Merilmerry. Même s’il n’y avait que quelques articles sur l’innombrable quantité qui pouvait être utile à un mercenaire, ils étaient généralement de bonne qualité. Certains objets étaient même rares, ce qui rendait cette échoppe précieuse aux yeux de Miriel. Elle regarda enfin le monial déjà debout.

- Quant à vous, si mes souvenirs sont bons, vous êtes à la disposition de mes hommes en temps que guide, outre vos activités marchandes pour lesquelles ils vous accompagneront, j’entends bien. Mais je ne saurais que trop vous conseiller d’être prudent, car même si mes hommes sont formés à la protection d’autrui, cela ne vous protège pas de tout danger… Et vous connaissez Hlondeth surement mieux que moi.

Cela sonnait comme un avertissement, et Miriel avait l’air sérieuse. Elle honorait toujours ses contrats et cela aurait été bien inconvenant qu’il arriva malheur à Khemed. Elle sourit finalement.

- Pour ce qui est des repas et des nuitées, je vous conseille l’auberge de l’Atre Irisé, à quelques pas de La Caverne, j’en ai un très bon souvenir. Mais faisant une moue soudaine. « Gramloth saura vous conseiller, il n’est peut-être pas sûr de séjourner si près de son commerce. »

Lorsque les choses en vinrent enfin à se préciser, ce ne fut que pour jeter encore plus d'interrogations. D'abord, Miriel faisait bien trop confiance à Zobian au goût de Moira. Elle et Jon avaient eu droit à une sonde mentale insultante et à de la paperasserie avant qu'on ne daigne leur dire quoi que ce soit. Ce type sortait de nulle part, et au bout de cinq minutes repartait avec une proposition d'emploi et même un dédommagement pour le dérangement. Mais c'était les relations avec Khemed qui étaient le plus étrange. Ce dernier s'était drapé dans le mépris, ouvertement cette fois, pour faire sa sortie. Mais les paroles de la fille Ilastul restaient néanmoins incompréhensible, affirmant qu'il était à "disposition de ses hommes". Qu'est-ce que ça voulait dire, était-il un client ou un "extra" finalement? Comme guide en plus, alors qu'ils avaient déjà Zobian pour ça visiblement.

La fin de la phrase était proprement hallucinante : "mes hommes sont formés à la protection d’autrui, cela ne vous protège pas de tout danger". Moira faillit se laisser aller à se cacher le visage avec la main en entendant cela.

¤Ah Miriel, Miriel! Tu crois vraiment que c'est le genre de chose à dire pour donner confiance dans les capacités du Saphir Noir? Ce n'est plus une flèche que tu tire dans le pied, c'est un boulet de catapulte!¤

N'importe quel client sain d'esprit irait voir ailleurs en entendant un truc pareil. Mais quelle que soit la manière de le dire, c'était de toute façon archi-faux : Moira n'avait jamais été garde du corps. Escorter des caravanes, oui, mais pas des particuliers. Quand à Jon, son attitude générale tendait à montrer qu'il était très peu enclin à prendre des risques pour autrui.

La guerrière ne bougea pas d'un pouce, et conserva le silence tant que Zobian et Khemed étaient présents. L'entretien qu'elle allait avoir avec Miriel n'était pas pour eux, et semble t-il elle avait quelque chose à lui donner. Ce ne fût qu'une fois qu'ils aient eu l'obligeance de partir qu'elle sorti enfin de sa réserve, pour s'adresser à sa patronne d'une voix de contre-alto douce et basse comme le murmure d'une brise d'hiver.

-Dol na nakke den un noru?

Zobian, Zelkior

Zobian ne fit qu'un signe de la tête à Miriel, lui signifiant probablement qu'il ne désirait rien pour l'instant, ou qu'il n'avait besoin de rien. Miriel fut étonnée un instant de cette réponse, pensant avoir affaire à un individu d'une toute autre espèce. Elle avait bien vu un éclair passer dans ses yeux au moment où elle avait prononcé le mot bourse en parlant de la récompense qu'offrirait Gramloth. Peut-être jouait-il un rôle après tout, et ne voulait pas être perçu tel qu'il était vraiment ? Les objets ne l'intéressaient pas, seul l'or comptait-il ?
A moins que tout son ressenti ne fut faussé par la précipitation de la situation. Ce qu'elle n'aimait guerre cela dit.

Les deux compères sortirent enfin du Saphir Noir, Zobian en tête. Ils passèrent sur la place de l'Athss, sans pour autant s'arrêter, jugeant plus urgent de rejoindre le port où Fharo ne les attendrait pas. Zobian se rappelait heureusement bien de la route qu'il avait emprunté le matin, et même si ce n'était pas la plus courte, elle avait le mérite d'arriver à bon port.

En une dizaine de minutes, ils étaient arrivés sur les quais, encombrés de tonneaux, filets et encore cageots. Ils avancèrent un peu plus en avant, passant plusieurs navires de toutes tailles, et à l'endroit même où Zobian avait laissé le navire, ils purent apercevoir le bateau d'une quinzaine de mètres de long, surmonté par un mat toutes voiles rentrées. De solides cordes le tenaient amarré ; une passerelle avait été lancée du pont vers le quai, en pente douce. A peine plus large que l'écartement des hanches, elle supportait les aller-retours incessants des porteurs, en plein chargement. Malgré l'iode marin et le poisson en décomposition, ils pouvaient sentir une odeur rafraichissante et épicée.

Moira

Une fois Zobian et Zelkior partis, Miriel regarda Moira, l'air circonspect. Elle avait bien entendu quelque chose, mais elle n'en avait absolument pas compris le sens. Toute faculté de diction de la guerrière s'était-elle soudainement volatilisée ?

- Tu dis ?

Sans vraiment attendre une réponse, comme si elle n'était plus sûre que ces... sons... lui fussent destinés, elle sortit discrètement une bourse de l'une de ses poches.

- Voilà de quoi payer le voyage pour vous quatre. Si par bonheur vous arrivez à tirer un prix plus intéressant de Fharo, alors faites bon usage du surplus. Mais laisse moi te dire que j'en doute, vu la personne.

Regardant rapidement les tables à proximité, elle baissa un peu le ton. La lettre était posée sur la table, pliée, et elle la regardait.

- Gramloth est le tenancier de La Caverne, une échoppe en pleine heure de gloire. Enfin jusqu'à il y a peu, à ce qu'il semblerait. Il est spécialisé en produits exotiques : fruits, épices mais aussi animaux, principalement des oiseaux et papillons. Ses produits sont d'une qualité irréprochable s'il n'a pas changé depuis ces quelques dernières années. Elle fit une pause, pour laisser le temps à la guerrière de noter ces informations. "Nous nous sommes réécrit dernièrement, et il semblait de moins en moins confiant sur sa situation. Jusqu'à la lettre de ce matin, qui me demandait de réunir au plus vite plusieurs de mes hommes, comme il avait déjà été discuté peu avant. Ainsi, il était prévu que je vous envoie à Hlondeth depuis quelques jours déjà, d'où l'objet de ma convocation. Une chance que la lettre soit arrivé ce matin, même si elle n'aura avancé le départ que d'une journée, finalement. "Réfléchissant un instant, elle leva les yeux sur la guerrière. "Je n'en sais que peu sur ses problèmes, il restait très discret. Néanmoins, il semblerait que une ou plusieurs personnes lui en veuille. Il m'expliquait que depuis plusieurs semaines maintenant, certains de ses clients se plaignaient de sa marchandise. Impossible, selon lui, qui vérifie en personne chaque article qui passe par son comptoir. L'hypothèse possible est un sabotage de sa marchandise, voilà ce qu'il en pense. Il a même reçu pas plus tard qu'hier, quelques heures avant que Zobian n'arrive chez lui, la visite de plusieurs hommes de mains de riches clients, envoyés par leurs maîtres après que des rumeurs aient circulé." De nouveau, elle laissa un instant s'écouler, comme pour marquer son effet. "Tu comprends sans doute l'urgence de la situation pour lui : plusieurs de ses petits clients se sont déjà détournés de lui et son commerce risque aujourd'hui de disparaitre si d'avantage de ses clients partent. Il a demandé de l'aide au Saphir Noir puisqu'il ne souhaite faire confiance à personne à Hlondeth. L'objectif est simple, si j'ose dire, puisqu'il s'agit de l'éclairer sur sa situation, trouver les coupables, les raisons et engager des négociations... Il est malgré tout probable que ces gens ne désirent pas négocier. Inutile de préciser que l'épée ne devra pas rester au fourreau s'il devient nécessaire d'appuyer certains arguments. Tant que tout est exécuté dans une parfaite discrétion et qu'il n'y a aucun corps, quelque intimidation est toujours bienvenue."

Elle toisa la guerrière de haut en bas, autant qu'elle le pouvait pour une personne assise à la table, puis demanda :
- Souhaites-tu une cape ou une tunique pour rendre plus discrète cette maille peu en vogue dans la région ?

Moira gagne une bourse de 20po