Un havre de paix - Chapitre 2, Badrok, Elrik, Hiielle, Stor

es leçons de la veille restaient bien vives dans l'esprit de la jeune magicienne alors que son corps les oubliait déjà, en partie grâce aux talents du hin chanteur de la veille. Son grimoire sur la table, elle se mit à réviser un sort qu'elle n'appréciait guère. Il manquait de raffinement. Bien sûr il lui permettait de manipuler l'esprit d'une autre personne, mais avec comme seul gain de leur infliger de la douleur. Aucun autre gain dans cette magie. Mais l'embuscade avait mis son groupe bien mal en point. Et la douleur d'un ennemi aurait son propre type d'utilité.

- Longtemps? Non. Trop longtemps, déjà.

Hiielle se trouva tirée de l'état rêveur dans lequel elle avait quitté sa chambre et se retrouva en compagnie du troubadour.

Le jaugeant rapidement avec un regard absent, elle remarqua son air enjoué, sans vraiment en comprendre la cause. Les derniers événements l'avaient mise dans une humeur aux antipodes de celles du hin. Elle fit un léger effort pour adresser sa reconnaissance au petit être.

- Merci pour la balade d'hier soir. Mes compagnons et moi étions fourbus, et je pense pouvoir parler en leur nom en disant qu'elle nous a permis de nous reposer plus qu'à l'accoutumée.

Hiielle s’assit, attrapa un morceau de fromage et du pain et continua son repas.

- Si tu le permets, je dois parler avec mon compagnon de nos plans pour aujourd'hui. Plus bas, à l'intention du hin guerrier, elle ajouta: Comme je disais, quid de la journée, Badrok? Attendre les hommes du Lionar, bien, mais je crois qu'il vaudrait mieux ne pas traîner pour trouver le gnome dont on parlait hier, et identifier la flasque. Et où est passé Elrik?

Date: 14 Tarsakh 1373 - Quatorzième jour de la Griffe des Tempêtes
Lieu: Pierre-tonnerre - Cormyr
Temps: Ensoleillé - 15°
Moment: début de matinée

Narration : Tous

L'humeur maussade de la magicienne n'était pas de ces choses qui suffisaient à freiner la curiosité d'un barde de la trempe de Stor Mousseracie. Aussi ce dernier écouta t-il religieusement les échanges entre Hiielle et Badrok sans ressentir la moindre gêne ...

C'était d'ailleurs sans compter sur le petit guerrier, qui lui, semblait avoir le barde à la bonne. Badrok n'essaya pas de cacher quoi que ce soit lorsqu'il répondit à la magicienne. Bien loin de se méfier du musicien, l'halfelin adressait autant de regards à son congénère qu'à Hiielle.

- J'suis d'accord avec toi Hiielle... On devrait s'mettre en route rapidement. Et pi qui sait, faut pt'être pas trainer avec la substance dans la fiole. Si jamais ça v'nait à tourner ou à moisir, bah p't'être que les gnomes arriveront plus à nous identifier tout ça ! Si jamais les hommes du Lionar tardent à venir...

Le Hin s'arrêta un instant semblant avoir une idée. Sûr de lui, il continua avec l'assurance d'Elminster en personne:

- On d'vrait laisser un mot au tavernier pour dire qu'on file chez les gnomes et qu'on r'vient vite. Le Lionar nous à dit que leur échoppe était sur la place de l'Assemblée ce s'ra pas difficile à trouver. On n'aura b'soin de ses hommes que pour nous conduire chez le témoin si on veut lui parler... Y' a qu'a laisser le message et d'mander aux Dragons Pourpres d'nous r'trouver là bas ! Nan ? T'en pense quoi ? On file réveiller Elrik et on se met en route ?

Le monologue de Badrok fut riche en informations pour le barde indiscret... Au fond de la mémoire du Hin, de complexes rouages se mettaient en action... Une échoppe, une substance à analyser, des gnomes, la Place de l'Assemblée à Pierre-Tonnerre... Si Pierre-Tonnerre était connue, ce n'était pas uniquement parce qu'il s'agissait d'un des plus grand repère d'aventurier du Cormyr... La ville était également connue grâce à son nom... A Pierre-Tonnerre, on fabriquait les fameuses pierres à tonnerre si prisées des aventuriers... Et qui les fabriquaient mieux que personnes ? Dibervelt Frères ! La réputation des trois frères Dibervelt était connue bien au delà des murs de la ville... Stor, dont la mémoire était emplie d'anecdotes de tavernes, de ragots de comptoir ou de conseils de voyageurs se souvenait à présent avoir entendu parler d'eux.

La méfiance de Hiielle ne semblait pas trouver d'écho chez Badrok, ce qui arrangeait bien les affaires, et la curiosité innée, d'un petit barde à l'affût du moindre potin à ce mettre sous la dent. Une telle curiosité n'avait d'ailleurs absolument rien à voir avec de l'indiscrétion ou le moindre soupçon d'impolitesse, du moins aux yeux de Stor. Elle était juste le reflet des tendances naturelles des Halfelins pour qui la simple notion de vie privée était une aberration sans nom.

Tout en faisant honneur au petit-déjeuner, prouvant par là qu'il était tout à fait possible d'ingérer d'énormes quantités de nourritures, d'écouter et de réfléchir tout à la fois, Stor ne perdait pas une miette des confidences de Badrok, une flamme dans son regard montrant même tout l'intérêt qu'il y prenait.

À la fin du petit monologue du guerrier, le barde s'éclaircit la voix et s’immisça dans la conversation de façon toute naturelle, comme s'il avait été associé depuis toujours aux déboires de ses compagnons de rencontre, prouvant également que sa connaissance du monde ne se limitait pas à celle des tavernes et des menus qu'il était possible d'y déguster.

- Je pense que tu as raison, compère Halfelin, dit-il d'une voix enjouée dans laquelle perlait un soupçon d'excitation. Il faut aller chez les frères Dibervelt. Leur atelier est le meilleur de Pierre-Tonnerre. Nul doute qu'ils pourront nous fournir les renseignements que nous cherchons.

a tête tourna instinctivement vers le petit homme. La bouche légèrement entrouverte et les soucis froncés, elle le regarda une seconde, et réalisa qu'elle ne savait même pas comment réagir face au culot affiché par le barde. À quoi pensait Badrok? Était-ce leur commun manque de verticalité qui les rapprochait ? La magicienne commençait à se sentir aussi seule que furieuse.

Hiielleen oublia même de dire à Badrok à quel point elle aimait son idée. Oui, ils n'avaient pas vraiment plus de temps à perdre à attendre les hommes du Lionar. Quel genre d'aide apportaient-ils au final? Et avec un chanteur s'intéressant d'un peu trop près à eux, apparemment complètement inconscient des conventions, et du pourtant très clair manque d'estime qu'elle lui manifestait.

- Pourquoi ne pas t'arrêter à ce que tu sais faire et chanter?

D'une traite, la jeune femme recula sa chaise et se leva. Allons le chercher, je suis prête à partir. s'entendit-elle dire à Badrok. Sans jeter un regard au hin, elle partit trouver Elrik, prête à le tirer par les pieds. Elle sentit soudain une goutte de sueur froide perler sur son dos.

Et si le hin la prenait au mot?

Date: 14 Tarsakh 1373 - Quatorzième jour de la Griffe des Tempêtes
Lieu: Pierre-tonnerre - Cormyr
Temps: Ensoleillé - 15°
Moment: début de matinée

Narration : Tous

La remarque pour le moins cassante de la magicienne glissa sur le petit barde aussi facilement qu'une pinte de brune dans le gosier d'un mineur nain... Pire, les efforts de Hiielle pour le dissuader de poursuivre sa tentative d'intrusion dans le groupe se retrouvaient irrémédiablement réduit à néant par un Badrok bien trop ouvert envers son congénère.

- L'affaire est entendue ! Allons chercher c'gros dormeur d'Elrik !

Le petit guerrier se leva à la suite de la magicienne qui donnait le signal du départ et enfonça le clou un fois pour toute:

- Stor ça m'f'rait plaisir qu'tu nous conduises chez les Dibervelts. Si tu connais en plus ça nous f'ra gagner du temps !

Les trois compagnons s’appétèrent à traverser la grande salle, lorsque Hiielle capta le regard de Derdek qui terminait enfin de faire les comptes avec le groupe de clients sur le départ. En un clin d’œil le nain adressa un geste de la mains aux aventuriers puis il s'engouffra dans la pièce réservée au personnel. En moins d'une dizaine de secondes on l'entendit ordonner à une serveuse de s'occuper des autres clients puis, Hiielle, Stor et Badrok le virent ressortir avec un sac en toile à la main. Au pas de course, le patron de la taverne arriva à leur rencontre.

- Belle journée à vous ! Toutes mes excuses, j'ai pas encore eu le temps de vous saluer comme il se doit. Votre compagnon, ELrik si je ne m'trompe, est venu m'trouvé à l'aube, plutôt matinal votre amis ! Enfin bref, il m'a demandé de vous remettre ceci lorsque je vous serriez tous levés...

De sa main droite, le nain tendit le sac en toile à Badrok et de sa main gauche, il farfouilla dans une des poches de son tablier pour en sortir une bout de parchemin plié en deux qu'il tendit à Hiielle cette fois-ci. Instinctivement la magicienne posa les yeux sur le document:

Cliquez ici pour dérouler le parchemin...

Hiielle, Badrok,

Lorsque vous lirez mes mots, je serai déjà bien loin de Pierre-Tonnerre... Même si nos ennuis semblent commencer à se régler (au moins avec le Lionar) je préfère prendre de la distance avec cette citée pourrie. Habituellement, je ne me serait pas astreint à des explications mais nous nous sommes tous retrouvés dans la même histoire malgré nous... Sans vous soit je croupirais dans les geôles de Segor BEDESK pour un crime que je n'ai pas commis, soit je serais mort hier dans cette ruelle... Ne m'en veuillez pas, mais je n'ai jamais été le genre à affronter les problème de face...
Si le Lionar vous cherche des noises par rapport à mon départ alors qu'il nous a interdit de quitter la ville j'atteste par la présente avoir agi seul et sans que vous en soyez informés. Montrer lui cette lettre si besoin.

Bonne chance pour la suite et que Bashaba vous préserve !

Elrik

PS: Je vous ai laissé quelques trucs trouvés hier... Désolé de ne pas en avoir laisse plus mais j'ai besoin du reste...

Au moment où Hiielle termina de lire la lettre d'adieu d'Elrik, Badrok avait sorti le maigre butin laissé par le roublard. Le contenu du sac se résumais à la petite clé en laiton trouvée sur la chef des brutes qui avait été capturée la veille, le reçu de l'auberge le "Sabot Doré" et le grimoire du mage tué dans la ruelle... De l'or, des bijoux et des armes qu'il avait trouvé pas une trace dans le sac en toile...

Comment faire comprendre à un Halfelin qu'il n'était pas le bienvenu et, ainsi, le dissuader de s'incruster ? Hiielle aurait certainement bien aimé connaître cette recette, tant ses tentatives pour évincer Stor restaient sans effet. Imperturbable, le petit être semblait ne réagir qu'aux invitations et demeurait parfaitement hermétique aux rebuffades.

Le dernier échange verbal se poursuivait sur cette même lignée et le petit barde s'était levé tout naturellement pour accéder à la requête de Badrok.

- Pas de problème, ami Hin, l'assura-t-il. Les frères Dibervert sont célèbres dans tout le pays et trouver leur échoppe sera un jeu d'enfant.

Stor s'avançait peut-être un peu car, s'il connaissait de réputation les Gnomes, il n'avait jamais encore mis les pieds dans leur boutique. Il est vrai que les commerçants avaient également tendance à chasser les Halfelins lorsque ceux-ci rodaient trop près des marchandises...

Il ne restait plus qu'à récupérer le troisième larron de la présumée association de malfaiteurs et de partir à la chasse aux informations. Cependant, Elrik avait choisi une autre voie et avait décidé de fausser compagnie au petit groupe, comme put le découvrir Stor en lisant négligemment par dessous l'épaule de Hiielle le petit mot laissé par le roublard.

- Bon, ben alors, c'est pas la peine de perdre encore du temps, conclut le jeune Hin. On y va ?